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Bien qu’inspiré d’un film argentin (El amor menos pensado/Retour de flamme 2018), Nouveau départ se présente comme une comédie de boulevard bien de chez nous (adultère puis réconciliation autour d’un berceau) qui louche du côté de la « comédie du remariage » hollywoodienne à la sauce « #MeToo ».
Diane (Karin Viard), journaliste, et Alain (Franck Dubosc), pianiste, forment un couple de quinquagénaires bobos dont les deux enfants ont récemment quitté le nid. À la suite d’un malentendu – Alain voit Diane embrasser son jeune et beau patron Stéphane (Tom Leeb) et pense qu’ils ont une liaison, alors qu’il s’agit d’un jeu –, le couple se sépare. Chacun tente alors quelques aventures : Diane avec Stéphane puis avec des hommes contactés sur des sites de rencontres ; Alain avec une amie du couple, Jeanne (Clotilde Courau), puis une jeune kiné de 35 ans, Agathe (Clémentine Baert) avec qui il projette d’emménager. Agathe tombe enceinte au moment même où Alain et Diane se réconcilient et que leur fille Juliette (Louise Orry-Diquéro) donne naissance à un bébé prématuré. Tout finit bien : quelques mois plus tard, Diane et Alain sont toujours passionnément amoureux et s’occupent de leur adorable petite fille, tandis qu’Agathe est en couple avec un jeune médecin ; les deux couples se partagent le nouveau bébé.
Nouveau départ adopte les apparences de la modernité, auxquelles les références à « #MeeToo », la liaison de Diane avec un homme plus jeune qu’elle et le couple que sa fille Juliette forme avec une femme « racisée », Lisa (Clarisse Lhoni-Botte), donnent un vernis vaguement « féministe ». Le film donne en spectacle la « liberté sexuelle » de notre époque, à travers l’usage de nouvelles pratiques et technologies, dans les deux cas sources de plaisanteries appuyées : Diane est coincée, menottée en sous-vêtements après une tentative de séance « S-M » avec un policier rencontré en ligne, et les effets du Viagra sur Alain ne laissent rien à l’imagination, même enveloppé dans une serviette de bain. Dans la salle UGC où j’ai vu le film à Paris, un ou deux gloussements à peine ont salué ces moments pourtant visiblement conçus comme particulièrement comiques.
Si les comédies fonctionnent fréquemment sur le principe de l’inversion, celle que propose Nouveau départ en dit long sur la représentation des changements de comportements sexuels de notre époque. À partir du moment où Diane et Alain se séparent, il apparaît que c’est elle, ainsi que les femmes de son âge autour d’elle, qui sont obsédées par le sexe, tandis qu’Alain – et les hommes autour de lui, notamment son ami Erwan (Youssef Hajdi) – est du côté des sentiments amoureux et de la tendresse, phénomène que j’avoue ne pas avoir remarqué dans la réalité… Le personnage de Diane, parce qu’il est le plus développé sur le plan narratif et grâce au grand talent de Karin Viard, reste sympathique ; c’est la pauvre Clotilde Courau, dans le rôle de Jeanne, qui doit endosser les aspects les plus caricaturaux de la cougar obsédée sexuelle. On la voit draguer lourdement un client de son magasin de voitures et, plus tard, Alain – dans les deux cas sans succès ! En version plus jeune, la collègue de Diane, Inès (Bérengère Krief) fait preuve de la même vulgarité langagière. En face d’eux, Alain et Erwan, « largués » par leurs femmes, se consolent en discutant de leur besoin de tendresse. Le déséquilibre hommes-femmes est renforcé par le fait que Diane fera de ses aventures sexuelles et de celles de ses amies un livre à succès tandis qu’Alain souffre tellement qu’il ne peut plus jouer et perd son travail. Alors que Franck Dubosc, au vu de ses rôles précédents, est peu convaincant, non seulement en pianiste d’orchestre symphonique mais en romantique fleur bleue, il est intéressant de constater que plusieurs critiques (Le Journal du dimanche, 20 minutes) louent sa prestation comme particulièrement « émouvante ». Bien sûr, il s’agit d’une comédie qui forcément appuie le trait, mais le message est clair : la sexualité « débridée » des femmes fragilise les hommes transformés en victimes.
Les seules femmes du film à échapper à cette vision d’une féminité à la fois agressive et pathétique (voir le personnage de Jeanne) sont les jeunes en âge de faire des bébés : Juliette et Agathe. C’est là où l’insistance, au début du film, sur la ménopause de Diane prend tout son sens. Certes, le couple Diane-Alain se reforme et a une joyeuse vie sexuelle, mais surtout pour exploiter le potentiel comique de leurs acrobaties sur canapé alors qu’ils sont censés s’occuper de leur petite-fille. Inutile de dire que la fin consensuelle sur des familles recomposées dans le plus grand bonheur repose sur une totale absence de problèmes matériels dans un milieu où tout le monde a des occupations chic et bien rémunérées si on en juge par les appartements.
Philippe Lefebvre, acteur, scénariste et réalisateur de films surtout pour la télévision (notamment quelques épisodes de la série Fais pas ci, fais pas ça) déclare dans un entretien avoir voulu avec Nouveau départ montrer « une période charnière où le couple doit se réinventer ». Ce « nouveau départ » hélas fait fausse route et réutilise des vieilles ficelles. Comme d’habitude, Karin Viard réussit à nuancer et complexifier les personnages les plus caricaturaux et nous amuser en même temps. Nouveau départ est à recommander uniquement à ses plus grand.e.s fans.