Voir la vidéo de l’entretien entre Schneiderman, Rafik Djoumi et Geneviève Sellier
Daniel Schneiderman anime sur « Arrêt sur images », la plate-forme par abonnement d’analyse des médias qu’il a créée, une émission de relecture du cinéma, « Post-pop ».
Il a accepté que nous diffusions sur le site l’émission sur Depardieu à laquelle Geneviève Sellier a participé. Un grand merci !
Le site Arrêt sur images ne vit que des abonnements !
https://www.arretsurimages.net/
Voici son édito :
"Le tsunami de révélations de #MeToo dans le domaine culturel nous pose une question inédite : que faire de l’oeuvre des créateurs dont sont tardivement révélés les délits et les crimes sexuels ? Les oublier pudiquement ? Ce serait parfois possible sans trop de pertes. Mais parfois aussi, ce serait dommage. Alors les revoir, les relire, les interroger inlassablement, avec nos outils d’aujourd’hui, à l’aide de notre savoir en construction sur l’emprise, le consentement, et plus largement toutes les dominations et leurs ruses, et leurs masques.
Dans ce nouveau « Post-Pop », nous étions partis pour appliquer cette démarche à la filmographie de Gérard Depardieu, multi mis en examen pour viols et agressions sexuelles, et qui sera jugé en octobre prochain. L’idée était de jeter sur l’oeuvre un regard serein, non contaminé par les turpitudes de l’homme. Pari impossible ? A l’arrivée, dans l’émission, il a été davantage question de la filmographie de Bertrand Blier.
Pour la première fois, à mes côtés et avec Rafik Djoumi , nous y accueillons Geneviève Sellier, fondatrice et animatrice du site « Le genre et l’écran ». Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle pulvérise les présupposés de départ de l’émission. Quels présupposés ? L’idée paradoxale que l’agresseur et violeur présumés d’aujourd’hui ait pu, dans certains de ses rôles, incarner une « masculinité différente », plus fragile, plus immature, plus... féminine.
Aucun de ces présupposés n’a résisté aux analyses de notre nouvelle post-popeuse. Tenue de soirée (Bertrand Blier, 1986) « film dans lequel Depardieu incarne un truand homosexuel qui harcèle un petit loser incarné par Michel Blanc ? » « Une apologie de la culture du viol, même si en l’espèce le dominé est un homme », analyse Geneviève Sellier. « Blier nous dit : je vais vous montrer un macho homo. Ce qui l’intéresse, ce sont les rapports entre hommes ». Au total, « L’exhibition d’une masculinité obscène, où l’on n’a pas besoin des femmes. » Quant aux Valseuses, du même réalisateur (1974), « là encore le film dit la tolérance de l’époque vis à vis de la culture du viol ».
Si Geneviève Sellier, dans cette émission, pose des mots clairs et nets sur ce cinéma de l’ambiguïté et de la provocation où excella Blier, elle ne s’en tient pas là. Plusieurs autres rôles de Depardieu en prennent aussi pour leur grade. Ainsi Le Placard (Francis Veber, 2001), où Depardieu incarne un « hétéro-beauf » qui finit par ressentir un irrésistible attrait pour un collègue, « on veut nous faire croire que l’homophobie n’existe plus ». Ou encore Le choix des armes (Alain Corneau, 1981), « un cinéma où les femmes n’ont aucune importance ».
Pourquoi, écoutant Geneviève Sellier, ressent-on comme une impression que ces choses-là n’ont jamais été vraiment dites de cette manière sur ces films-là ? Pourquoi ces pertinentes et implacables analyses ont-elles encore été si rarement formulées dans l’univers pourtant prolixe de la critique de cinéma ? C’est pourtant simple. « Si tu veux être critique de cinéma, il faut adhérer aux valeurs du milieu », résume Sellier. Les choses sont dites."