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Alexander Payne / 2023

Winter Break


par Geneviève Sellier / dimanche 31 décembre 2023

Noël ne fait pas disparaître les différences sociales

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Voilà un « conte de Noël » qui nous change agréablement des feel good movies sirupeux que les États-Unis ont l’habitude de nous proposer à cette période de l’année.

Reprenant l’idée de Pagnol dans Merlusse (1935) où un professeur borgne, laid et méchant est obligé de surveiller l’étude la veille de Noël dans un lycée de garçons, le scénario de David Hemingson raconte les vacances de Noël dans un collège privé pour gosses de riches de la Nouvelle Angleterre en 1970.

Le récit commence avec le dernier cours du semestre, où M. Hunham (Paul Giamatti), le professeur de littératures grecque et latine, un vieux célibataire laid et grincheux, rend leur copie aux élèves de son cours de terminale, en soulignant avec délectation leur médiocrité. Après le service religieux où sont conviées les familles, les élèves se précipitent pour quitter le collège, excepté les quelques malchanceux qui ne peuvent pas aller passer les fêtes chez eux.
M. Hunham, aussi impopulaire chez les élèves que chez ses collègues, est contraint par le proviseur de les surveiller, en représaille de son refus d’augmenter les notes d’un élève, fils d’un généreux donateur. Il règne par la terreur sur les six élèves « condamnés » à rester au collège, servis par Mary (Da’vine Joy Randolph), la cuisinière africaine-américaine dont le fils a été tué au Vietnam : sa photo en uniforme trône dans la chapelle du collège où il a pu faire ses études en tant qu’enfant du personnel. On apprendra par la suite qu’il n’a pu échapper à la conscription car sa mère ne pouvait payer l’université prestigieuse où il rêvait d’être admis. Malgré le comportement raciste d’un des élèves, son regard compatissant fait un contrepoint avec le harcèlement moral auquel les soumet le professeur.

Bientôt le père d’un des élèves consignés vient le chercher en hélicoptère ( !), mettant fin à sa punition, et invite aussi quatre autres élèves à aller faire du ski. M. Hunham se retrouve seul avec Angus (Dominic Sessa), un élève à la fois brillant et indiscipliné qui en veut à la terre entière car sa mère a préféré partir en voyage de noces avec son nouveau mari plutôt que de l’accueillir pour Noël. On apprendra plus tard qu’elle a divorcé du père d’Angus devenu paranoïaque et enfermé dans un établissement psychiatrique.

Angus cherche d’abord à enfreindre tous les interdits que M. Hunham a mis en place, en particulier celui de circuler librement dans les vastes bâtiments du collège, disséminés sur un campus enneigé. Leur affrontement se transforme en course poursuite qui se termine au gymnase avec une épaule déboitée pour Angus. Son professeur doit l’emmener aux urgences et quand ils se retrouvent hors des murs du collège, leur relation commence à changer. Sensible à la douleur d’Angus qui n’est pas seulement physique, M. Hunham accepte de l’emmener au pub du coin. Le soir du réveillon, il accompagnera Angus et Mary chez Lydia, la femme de charge du collège. Puis il emmènera Angus et Mary à Boston, en prétextant un voyage d’études au cours duquel le jeune homme fait une fugue pour aller voir son père, mais la visite vire au cauchemar quand le malade manifeste sa paranoïa.

À la fin des vacances, le vieux professeur et son élève ont beaucoup appris l’un de l’autre mais leur amitié est mise à mal par un brutal retour à la réalité. Ils sont convoqués chez le proviseur, à la demande de la mère d’Angus obligée de gérer les conséquences dramatiques de la visite que son fils a faite à son père. M. Hunham qui prend sur lui la responsabilité de cette initiative pour permettre à Angus de continuer ses études, sera renvoyé.

La force de Winter Break est que la dimension sociale des faits et gestes des personnages n’est jamais oubliée. Même si Angus et M. Hunham traitent Mary avec respect et sympathie, leurs différences de conditions sont toujours là. Le destin médiocre du professeur aussi érudit qu’impopulaire trouve sa source dans le milieu pauvre dont il est issu, et qui l’a fait exclure autrefois de Harvard. Ce collège qui accueille des gosses de riches plutôt médiocres, est dirigé par un homme prêt à avaler toutes les couleuvres pour ne pas indisposer les puissantes familles qui financent l’institution. Le fils de Mary est mort au Vietnam parce que seuls les enfants des riches peuvent échapper à la conscription en continuant leurs études dans les universités payantes (on connait la crise actuelle due à des droits d’inscription devenus impossibles à rembourser).

Les trois interprètes principaux se distinguent par leur physique aux antipodes des normes esthétiques du star système : Paul Giamatti incarne un personnage vieux, chauve, atteint de strabisme et d’une maladie de peau qui lui donne une mauvaise odeur ; Da’vine Joy Randolph a l’obésité des femmes pauvres et Dominic Sessa joue un grand échalas embarrassé de son corps à peine sorti de la puberté.

La distance qui nous sépare des années 1970 est concrétisée par la bande-son où l’on reconnait des chants de Noël interprétés par The Swingle Singers et différents chanteurs folk dont Cat Stevens.


générique


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