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Arnaud Desplechin

Frère et sœur


Par Geneviève Sellier / mardi 5 juillet 2022

Un énième règlement de compte...


« Une œuvre d’art ne peut pas être un règlement de comptes, ou alors ce n’est pas une œuvre d’art ». Le cinéaste Bruno Herbulotreprend opportunément cette mise en garde faite par Christine à Antoine dans Domicile conjugal de Truffaut, à propos du dernier film d’Arnaud Desplechin, Frère et sœur, où le cinéaste s’en prend cette fois-ci à sa sœur (l’écrivaine Marie Desplechin dans la vraie vie), après s’en être pris à sa mère dans Un conte de Noël (2008). Chez ce cinéaste chouchou de la critique, les films de règlement de compte alternent avec ceux où il fait l’éloge complaisant d’un alter ego : dans cette dernière catégorie, on peut citer Les Fantômes d’Ismaël (2017) avec Mathieu Amalric et Tromperie (2021) avec Denis Podalydès.

Dans Frère et sœur, c’est Melvil Poupaud qui est l’alter ego de « l’auteur », Louis Vuillard, écrivain si doué que sa sœur Alice, une actrice (Marion Cotillard), en a conçu une haine inextinguible… Pour susciter immédiatement l’empathie du public avec Louis, le film s’ouvre sur une tragédie, la mort du fils âgé de 6 ans de Louis et Faunia (Golshifteh Farahani), à la suite de quoi le couple va s’enterrer loin du monde dans une ferme inaccessible en voiture. (Qu’on se rassure, Desplechin ne risque pas d’en venir à de telles extrémités, comme en témoigne son omniprésence dans les médias à chaque sortie d’un de ses films !)

Dans Frère et soeur, pour faire bon poids, cette tragédie est immédiatement suivie d’une autre (qui a lieu plusieurs années après) : les parents d’Alice et Louis ont un accident de voiture qui va se révéler mortel. Leurs funérailles sont l’occasion de rappeler que le pauvre Louis a dû subir aussi l’indifférence de sa mère (pour les spectateurs qui n’auraient pas vu Un conte de Noël où Catherine Deneuve incarnait cette mauvaise mère…).
L’enterrement des parents est l’occasion de rouvrir les plaies : une série de flash-backs nous donne accès à l’histoire familiale où l’amour entre le frère et la sœur se transforme bientôt en haine du fait de la jalousie d’Alice quand se « révèle » le talent d’écrivain de Louis. Litanie sans grand intérêt où la pauvre Marion Cotillard essaie vainement de donner de la chair à un personnage hystérique qui ne semble exister que pour exprimer la haine de la sœur à l’égard du frère, lequel suscite la compassion de tous les autres personnages…
S’il en était besoin, ce dernier opus confirme que si l’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, il est encore plus rare de faire du bon cinéma avec de la haine cuite et recuite, celle que Desplechin déverse ici sur sa sœur qui n’en peut mais.


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