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Frédéric Fonteyne - Anne Paulicevich / 2020

Filles de joie


>> Geneviève Sellier / vendredi 3 juillet 2020

Ah ! qu’ils sont sympas les bordels belges !


Scénario d’Anne Paulicevich


On aimerait soutenir ce film dont l’équipe technico-artistique est majoritairement féminine (co-réalisation, scénario, décors, costumes, photo, montage, co-production), ce qui est rare. C’est une chronique sociale sur trois femmes françaises habitant une cité du Nord qui passent la frontière tous les jours pour se prostituer dans un bordel en Belgique (en fait une maison dans un quartier résidentiel). Elles semblent vivre cette situation comme banale et le film ne montre jamais les aspects sordides de ce « travail » : au contraire, en attendant le client, elles papotent gentiment et rigolent des orgasmes qu’elles feignent… La tenancière du lieu ne semble là que pour les « coacher » gentiment et rappeler les tarifs aux clients. Elle leur a donné des pseudos puisés dans la mythologie grecque, on se croirait dans un salon lettré…

En revanche leur quotidien familial n’est pas rose : Axelle (Sara Forestier) vit avec sa mère et ses trois enfants (sur lesquels elle crie beaucoup…), sous la menace du père violent contre lequel elle a obtenu une ordonnance d’éloignement, mais sans succès puisqu’il la suit jusqu’au bordel. Dominique (Noémie Lvovsky) se fait exploiter par son fils adolescent et s’inquiète de voir sa fille échapper à sa surveillance, pendant que son mari (Sergi Lopez) est plus intéressé à bricoler qu’à lui faire l’amour. Quant à Conso (Annabelle Lengronne), elle croit vivre, malgré les mises en garde de ses copines, une belle histoire d’amour avec un homme dont elle va découvrir qu’il est marié quand il l’invite à fêter avec d’autres filles la naissance de son fils. Elle tente alors de se suicider. On a du mal à comprendre pourquoi le film nous a proposé une scène de sexe quasi lyrique entre Conso et son amant, comme pour nous faire croire à cette histoire d’amour qui va se révéler de la pure exploitation.

Le film est aussi miné par des invraisemblances : on se demande comment Dominique peut être à la fois une infirmière qualifiée (on la voit décider d’administrer de la morphine à un malade) et prostituée ; d’autre part, Conso est une jeune afro-descendante qui vit isolée sans qu’on n’ait aucun élément sur son milieu familial ; et la façon dont ses deux amies décident de la venger après sa tentative de suicide, sans lui dire, témoigne d’une certaine infantilisation, comme si elle était incapable de prendre son destin en main.

Finalement le plus gênant, dans le contexte actuel de lutte contre les féminicides, c’est la dernière péripétie : quand Axelle découvre que son ex s’est ré-installé chez elle et menace d’emmener les enfants, elle fait appel à sa mère qui l’assomme ! Axelle appelle ses copines au secours : Dominique achève l’homme et elles vont enterrer son cadavre dans un chantier que les ouvriers sont en train de bétonner…
On peut rêver de régler ainsi la question des violences conjugales, mais on peut également douter que ça fasse beaucoup avancer les choses…

Enfin, l’équipe a sans doute voulu donner des gages à la mode du « film d’auteur » pour séduire les diverses commissions d’avance en France et en Belgique, en déstructurant systématiquement le récit, sans aucune justification sur le fond… ça n’apporte rien, sinon une certaine difficulté à suivre l’histoire.


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