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Jeanne Herry / 2018

Pupille


>> Geneviève Sellier / samedi 15 décembre 2018


Avec Gilles Lelouche, Elodie Bouchez, Sandrine Kiberlain, Olivia Côte

Pupille est une sorte de docu-fiction qui ambitionne de décrire de la façon la plus précise et subtile possible, le parcours de l’adoption, en France aujourd’hui. La réalisatrice tresse très habilement le parcours de la mère accouchant sous X, puis du bébé pris en charge par les travailleurs/ses sociaux, et en parallèle le parcours de la mère adoptante depuis ses premières démarches jusqu’à la prise en charge du bébé.

Il faudrait d’abord préciser que dans les faits, l’adoption deux mois après la naissance d’un bébé né en France d’une mère française (blanche) est aujourd’hui l’exception. Première entorse à la vérité statistique. Mais la réalisatrice s’efforce de donner chair à toute la chaîne de compétences et de responsabilités qui s’incarne dans des êtres humains (des femmes essentiellement) qui s’efforcent de faire leur travail du mieux possible pour que de ce drame (un enfant abandonné à la naissance) puisse naître une issue positive. Il faut saluer cette tentative de sortir des conventions du film social qui souffre souvent en France de dramatisation abusive ou de caricature (n’est pas Ken Loach qui veut !).

Mais justement, le film échoue à rendre compte de la caractéristique la plus visible de ces institutions, leur absence à peu près totale de mixité ! Gilles Lelouche est apparemment un atout majeur du film (selon Télérama : « Dans ce rôle-là, Gilles Lellouche, tout en humanité, apporte une chaleur tendre et inquiète »), il est central sur l’affiche, sauf que statistiquement, il n’a aucune vraisemblance : le milieu des assistant·e·s maternel·le·s est le moins mixte qui soit [1] (2% d’hommes). La seule enquête que j’ai trouvée sur le sujet, c’est sur les conjoints des assistantes maternelles dans les familles d’accueil [2].

Or, Gilles Lelouche en assistant maternel est le pivot du film, à la fois parce qu’il prend en charge le bébé à un moment où il doute de sa vocation (!) face à des pré-ados difficiles (qui disparaissent opportunément de l’histoire), et que le soin qu’il prend du bébé est tellement exemplaire que Sandrine Kiberlain craque pour lui ! Seule péripétie « fictionnelle » du film, elle semble viser surtout à renforcer le charisme du personnage masculin.

Pourtant, la réalisatrice a su rassembler un casting de rêve avec des actrices dont la personnalité donne beaucoup d’épaisseur à leur rôle : Elodie Bouchez, Sandrine Kiberlain, Olivia Côte, Miou-Miou (la mère de la réalisatrice), Clotilde Mollet, Stéfi Celma ; aucun manichéisme, mais une description au plus près des difficultés que rencontrent les travailleurs sociaux qui s’occupent d’adoption. Mais le choix de Gilles Lelouche en assistant maternel est fatal pour la vraisemblance du film, bien qu’un atout commercial de premier ordre. Le désir d’imaginer des hommes exemplaires qui associent toutes les qualités « féminines » avec tout le sexappeal masculin, qu’on voit à l’œuvre dans nombre de films français récents (Nos batailles, Amanda) fait basculer le film du côté de la comédie romantique ! Dommage !


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