Un an après son coming out médiatique, le comédien Océan sort une série documentaire résumant la première année de sa transition. Dix épisodes de dix à quinze minutes sur France TV Slash où l’homme trans* se dévoile en compagnie de sa famille, ses ami.e.s et ses amours.
https://www.youtube.com/watch?v=wVUIT7liX_0
https://www.france.tv/slash/ocean/
Difficile de parler de choix de personnage lorsqu’on parle d’un documentaire autobiographique. Pourtant, il y a bel et bien un tri à faire dans les personnes que l’on choisit ou non d’intégrer au scénario, ne serait-ce que pour éviter l’ennui chez le spectateur. Heureusement, l’entourage d’Océan est télégénique à souhait et offre une variété de réactions richement argumentées à l’annonce de sa transidentité. Porté par des ami.e.s drôles et décomplexé.e.s, Océan entoure son récit d’humour et de légèreté sans se dispenser pour autant d’un discours militant. En choisissant de filmer sa mère et les difficultés qu’elle rencontre pour accepter son fils, il nuance son propos et présente aussi l’argumentaire contestateur de ceux qui n’accueillent pas la transidentité avec évidence. La mère questionne son fils sans s’embarrasser du politiquement correct et avec un franc-parler qu’on attribuera peut-être à la configuration du tournage : intime, avec un smartphone, en tête à tête.
Sa mère parle de deuil. Un mot qu’Océan rejette. Il ne veut pas être associé à la mort. D’ailleurs, il cherche davantage à montrer une transition joyeuse vers une meilleure version de lui-même, qu’une rupture douloureuse avec une identité qu’il ne souhaite plus porter. Océan avance sans faire une croix sur celui qu’il a été avant son coming out. Il n’est pas une femme mais il en a néanmoins fait l’expérience sociale pendant quarante ans et c’est avec ce vécu qu’il accède aujourd’hui aux privilèges de la masculinité. Dans ce documentaire, il dénonce l’oppression patriarcale qu’il subissait et qui s’estompe à mesure qu’il est perçu comme un homme. Il est en transition mais n’en reste pas moins féministe et plus encore maintenant qu’il peut pointer du doigt les avantages injustes auxquels il a droit : être mieux considéré pendant un casting, voyager dans un pays homophobe, jouir de la solidarité masculine, etc.
Être un homme tout en œuvrant contre eux n’est pas le seul paradoxe auquel Océan fait face. Dans cette série, il aborde le genre de manière nuancée, cherchant à s’émanciper des modèles binaires masculin et féminin. Néanmoins, s’il défend qu’on puisse se déclarer d’un genre sans en adopter nécessairement les artifices (il donne l’exemple d’un homme sans testostérone), il a cependant lui-même besoin de ces artifices pour s’épanouir dans son nouveau genre. Vouloir déconstruire les normes de genre tout en adhérant à celles-ci pour passer inaperçu, c’est assumer la limite de la déconstruction, quitte à être en décalage avec son discours. On peut réaliser sa condition et œuvrer pour la déconstruire, mais peut-on totalement désapprendre quarante ans de binarité ? Avec ce documentaire, Océan cherche à nous montrer ce qui est possible tout en exposant ses propres limites, ses propres contradictions et au fond, sa propre humanité.