Sorti la semaine du confinement, ce biopic britannique sur Marie Curie, réalisé par Marjane Satrapi, n’est pas un film d’animation comme on pourrait l’inférer de la personnalité artistique de la réalisatrice, mais une reconstitution historique formellement assez conventionnelle de la vie de Marie Skłodowska depuis son arrivée à Paris en 1891 jusqu’à sa mort en 1934, adaptée à partir d’un très original roman graphique de l’Américaine Lauren Redniss [1]dont il ne reste pas grand-chose.
Le film en effet souffre d’un manque de clarté dans son projet : s’agit-il de raconter la « love story » de Pierre et Marie Curie ? de faire une lecture féministe de la vie de Marie Skłodowska ? de faire comprendre la nature des découvertes scientifiques qu’elle a faites ? ou de nous alerter sur les usages destructeurs qui ont été faits de ces découvertes ? Faute de prendre un parti clair, la réalisatrice a du mal à nous embarquer…
Le biopic est très conventionnel (dans des tons uniformément marrons et gris qui donnent une image peu attrayante de la vie passionnante de cette scientifique exceptionnelle) et on en apprend plus sur sa vie en lisant la page Wikiipediaqui lui est consacrée ; la tentative d’explication de la découverte de la radioactivité est ratée (je n’ai pas compris grand-chose) et l’évocation de ses usages destructeurs sous forme de sauts dans le temps et de séquences oniriques, brouille le propos…
Pourtant, il y avait un film à faire sur les conditions dans lesquelles cette jeune étudiante polonaise arrive en France à la fin du XIXe siècle, et tente de développer ses recherches dans un monde académique à la fois hostile aux femmes et aux étranger.es. Mais ce sujet est évoqué de manière beaucoup trop allusive pour que le public d’aujourd’hui prenne la mesure des difficultés qu’a rencontrées cette brillante scientifique dont la France revendique l’héritage (elle est au Panthéon aux côtés de Pierre Curie), sans l’avoir soutenue quand elle en avait besoin.
Quelques péripéties mal connues sont opportunément rappelées : les réactions violentes de l’opinion à la révélation de sa liaison avec Paul Langevin en 1911, cinq ans après la mort accidentelle de Pierre Curie, permettent de prendre la mesure de la misogynie et de la xénophobie qui caractérisent la société française de l’époque. Et l’évocation du soutien des féministes suédoises lors de la remise de son second prix Nobel (elle fut la première à recevoir deux prix Nobel), nous renvoie au retard français, jamais comblé, en matière de conscience des discriminations genrées…
Mais l’ensemble du film reste assez terne. Le procédé qui consiste à partir du moment de sa mort pour nous faire revivre les moments forts de sa vie est devenu un stéréotype narratif, rendu encore plus gênant par un maquillage raté pour vieillir le visage de l’actrice. Rosamund Pike (qu’on a vue plus convaincante dans Gone Girl manque ici de relief pour transmettre la personnalité hors du commun de Marie Curie… après une liste impressionnante d’incarnations filmiques et télévisuelles [2].
On a finalement l’impression d’une occasion ratée pour rendre hommage comme elle le mérite à cette femme remarquable… Il manque à Marjane Satrapi une cohérence artistique et politique à la hauteur de son sujet.