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Nisha Ganatra / 2019

Late Night


>> Geneviève Sellier / mercredi 11 septembre 2019

Mindy Kaling (scénariste, actrice), Nisha Ganatra (réalisatrice), avec Emma Thomson, 2019



Les deux autrices de cette comédie sociale sont Indiennes-Américaines, la réalisatrice (Nisha Ganatra) vient du cinéma indépendant et s’est fait une place dans des séries novatrices comme Dear White People et Transparent. La scénariste (Mindy Kaling), qui a fait ses preuves à la télévision jusqu’à créer sa propre sitcom The Mindy Project, joue aussi le rôle de Molly, une jeune scénariste embauchée pour sauver l’émission en perte de vitesse d’une animatrice britannique de plus de cinquante ans incarnée superbement par Emma Thomson… (c’est la seule grosse invraisemblance du film : aucune femme n’est en charge d’un des « late shows » qui font la réputation de la télévision états-unienne).

Malgré un côté « feel good movie » surtout à la fin, le film décrit frontalement un monde de la télévision qui continue à être à 90 % masculin et blanc (comme tous les « collaborateurs » de l’animatrice) ; l’embauche d’une jeune Indienne-Américaine dans la « writers room » (l’atelier qui écrit des blagues pour l’animatrice) vise à cocher cyniquement deux cases à la fois pour rajeunir l’émission…

L’histoire s’inspire directement de l’expérience des deux autrices (en particulier, se retrouver seule femme et seule non-blanche parmi les scénaristes d’une série ou d’une émission télévisée) et articule deux types de ressort dramatique : la femme blanche de plus de cinquante ans qui lutte pour sa survie, alors qu’on la pousse vers la porte pour la remplacer par un jeune homme blanc, et la jeune femme non-blanche outsider qui essaie de faire sa place, en butte à la fois à la morgue de classe de la femme blanche et à un monde masculin habitué à l’entre-soi. Secondairement, l’histoire met en scène la concurrence effrénée que représentent Internet et les réseaux sociaux pour la télévision traditionnelle, mais le vrai sujet du film, ce sont les discriminations de genre, de race et de classe qui perdurent dans le show business, qui se prétend pourtant plus « ouvert » que les autres milieux professionnels aux États-Unis.

La force du film vient aussi du fait que la jeune protagoniste échappe aux normes féminines : elle n’est ni jolie, ni filiforme, ni blanche (comme Anne Hathaway dans Le Diable s’habille en Prada, par exemple) : elle est intelligente et rebelle et c’est ce qui va la sauver et sauver la femme blanche d’âge mûr qui pourtant la vire par deux fois… avant de l’appeler au secours… C’est l’histoire de deux femmes qui se sauvent mutuellement.

On peut regretter cependant que le film abandonne très vite le ressort type « ligue du LOL » (le harcèlement des nouvelles venues par les hommes en place) pour montrer de manière très improbable les hommes de la writers room prêts à tendre la main à la jeune Molly…

Emma Thomson est impériale dans tous les sens du terme : elle incarne à merveille la morgue britannique… Dans un registre plus inquiétant, on peut la voir incarner tout aussi brillamment une politicienne populiste dans la série britannique Years and Years, (une dystopie aux antipodes de ce feel good movie), actuellement diffusée sur Canal+.


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