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Robert Guédiguian / 2019

Gloria Mundi


>> Geneviève Sellier / lundi 2 décembre 2019

De l’instumentalisation des bébés


Le film s’ouvre sur une naissance, la sortie du bébé du ventre de sa mère et les mains expertes qui s’en occupent. Puis l’histoire commence dans la chambre d’une jeune accouchée, Mathilda (Anaïs Demoustier), entourée de son compagnon Nicolas (Robinson Stévenin) et de ses parents, bientôt rejoints par le couple de sa sœur, qui ouvre bruyamment le champagne. Le bébé s’appelle Gloria, à cause d’un film vu à la télé…

Pendant ce temps, Daniel (Gérard Meylan) rédige des haikus dans sa cellule. On comprend qu’il est le grand-père du bébé, et finit de purger une peine de 20 ans de prison pour meurtre.

Sylvie (Ariane Ascaride), la grand-mère de Gloria, fait des ménages avant l’aube, pendant que son compagnon Richard (Jean-Pierre Daroussin), avec qui elle a élevé Mathilda et eu une autre fille, Aurore, est conducteur de bus. Ils se croisent au petit matin…

On est à Marseille parmi les travailleurs pauvres, mais dans la jeune génération, l’ultra-libéralisme fait des ravages : Nicolas espère s’en sortir grâce à Uber – il fait le taxi pour les touristes mais s’est endetté pour acheter une voiture –, tandis que Mathilda travaille à l’essai dans une boutique de fringues ; l’autre jeune couple, Aurore (Lola Naymark) et Bruno (Grégoire Leprince-Ringuet), sans enfant, « fait du cash » avec le plus complet cynisme, en reprenant à bas prix, en faisant réparer au noir et en revendant tout ce que la société de consommation déverse chez les pauvres. Ils agrémentent leur quotidien en snifant.

Richard suggère à Sylvie de prévenir le père de Mathilda qu’il est grand-père, et Daniel, qui vient d’être libéré, arrive un beau matin pour faire connaissance avec Gloria.

Mais l’équilibre fragile de ce petit monde va bientôt basculer, tant leur mode de survie est précaire, et c’est là que le film de Guédiguian prend des allures de film à thèse et pèche par misérabilisme : de petits ennuis en vraies catastrophes, l’histoire aboutit au drame final qui transforme le destin de Daniel en tragédie. Les personnages apparaissent de plus en plus comme les instruments d’une démonstration politique qui leur enlève toute autonomie, toute capacité d’agir, pour que Guédiguian puisse dénoncer l’horreur du néo-libéralisme.

On a du mal à croire au personnage d’Ariane Ascaride en briseuse de grève dans une entreprise de nettoyage, d’autant plus que dans la réalité sociale, les grèves récentes de femmes de ménage sont le fait de femmes racisées … On a encore plus de mal à croire qu’elle ait dû en passer par la prostitution « et longtemps », comme elle le raconte à la fin…

Ses deux filles sont construites sur l’opposition entre la vierge-mère et la putain, y compris physiquement : Anaïs Demoustier dessine une figure de femme-enfant (voir aussi Alice et le maire) qui est aux antipodes de la bombe sexuelle rousse que joue Lola Naymark : de ce fait, on a du mal à croire que Mathilda couche avec son beau-frère, celui qui exploite sans état d’âme toutes les misères du monde…

De leur côté, les deux grands-pères (le vrai et le faux) sont un peu trop gentils pour être crédibles, promenant le bébé sur le Vieux Port en philosophant, avant l’épilogue tragique qui renvoie Daniel en prison. Le patriarcat n’existe pas chez Guédiguian mais faut-il pour autant qu’il charge de toutes les horreurs du libéralisme le jeune Bruno ?

Je faisais l’hypothèse dans ma critique sur le film précédent de Guédiguian, La Villa , que la complexité inédite des personnages était peut-être liée à sa collaboration nouvelle avec le dramaturge Serge Valletti. Malheureusement l’hypothèse ne tient pas : Valletti est aussi crédité pour le scénario de Gloria Mundi, mais Guédiguian est repris pas le démon du manichéisme… Dommage !


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