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Cédric Klapisch / 2019

Deux Moi


>> Geneviève Sellier / vendredi 27 septembre 2019

Hommes et femmes à égalité face à l’anonymat parisien ?



Après une trilogie assez racoleuse (L’Auberge espagnole 2002, Les Poupées russes 2005, Casse-tête chinois 2013), Cédric Klapisch semble renouer avec la veine de Chacun cherche son chat (1996), en proposant une chronique sociale en demi-teintes sur la solitude des jeunes adultes dans Paris.

Deux trentenaires dépressifs, Mélanie (Ana Girardot) et Rémy (François Civil) habitent sans le savoir des appartements mitoyens dans le XVIIIe arrondissement. Elle est chercheuse en biologie dans un labo spécialisé dans les thérapies du cancer, lui est employé dans une centrale d’achat, genre Amazon, qui s’apprête à remplacer les hommes par des robots, mais lui échappe au licenciement sec pour se retrouver dans un centre d’appels… Il est du genre mutique et se retrouve à l’hôpital après une crise d’angoisse dans le métro. Elle ne se remet pas d’une histoire d’amour qui a mal fini…

La bonne idée du film est d’utiliser le montage alterné pour mettre en parallèle ces deux détresses (relatives) et l’aide qu’il/elle vont trouver auprès d’un.e psy.

Il est rare que le cinéma parvienne à donner une idée juste de ce qui se passe dans le cabinet d’un.e psy. Il faut saluer cette tentative qui échappe à la caricature et donne plutôt envie de chercher de l’aide de ce côté-là quand on va mal…

Les deux protagonistes (qui ne se rencontreront que dans la dernière séquence) témoignent de différentes façons d’aller mal : les hommes des classes moyenne et populaire (dont Rémy est un représentant) ont plus de mal à accepter et à utiliser ce type d’aide que les femmes de milieu éduqué, comme la biologiste Mélanie. La psy de Mélanie (Camille Cottin) paraît déontologiquement plus fantaisiste que le psy de Rémy (François Berléand) mais ne cherchons pas la petite bête…

Sans prétention démonstrative, le film fait le portrait des difficultés existentielles de deux trentenaires dans le Paris anonyme contemporain, difficultés liées en partie à la place qu’ont pris Internet et les réseaux sociaux à la fois dans le travail et dans les relations interpersonnelles.

Rien de très politique malheureusement dans cette dénonciation, même si l’épicerie orientale que fréquentent les deux protagonistes semble proposer une alternative « humaniste » à cet anonymat déprimant des grandes villes, à travers le personnage pittoresque de l’épicier (Simon Abkarian).

Pas de domination masculine non plus dans cet univers social : Rémy est apparemment plus aliéné que Mélanie, et il met du temps à s’autoriser à parler à son psy ; mais on ne sait pas si c’est à cause de son milieu social, visiblement plus modeste, ou parce que, en tant que garçon, il a été éduqué à réprimer ses émotions. L’échec de la relation que Mélanie a eu avec un passionné de foot est renvoyé à son incapacité à elle d’exister, et non pas aux effets de la domination masculine sur la vie de couple…

Finalement, les deux protagonistes se rencontreront dans un cours de danse « exotique », comme si les gens du « Sud » avaient conservé le secret des rencontres que les « Blancs » ont perdu. Cette « instrumentalisation » des personnes racisées a un aspect moins sympathique : pourquoi faut-il encore une fois que ce soit une actrice noire (Eye Aïdara) qui joue le rôle de la fille sympathique (et drôle) avec laquelle le héros tente une relation qui avorte rapidement, sans que le réalisateur se donne la peine de le justifier… On rêve d’une inversion des rôles, où la blanche (Ana Girardot) jouerait les utilités pendant que la noire serait la protagoniste principale de la rencontre amoureuse… Mais on est en France, ne rêvons pas !

Ce « feel good movie » a les qualités et les défauts de ce type de film qui a tendance à évacuer les contradictions sociales, qu’elles soient de genre, de classe ou de race…


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