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Claire Burger / 2019

C’est ça l’amour


>> Geneviève sellier / vendredi 26 avril 2019


« Un portrait bouleversant de la paternité » ?

Décidément, la paternité est « bouleversifiante » ces derniers temps dans le cinéma français (dans la réalité sociale, c’est moins sûr…). Après Pupille, Amanda, L’Amour flou, Nos batailles, voici C’est ça l’amour, réalisé par Claire Burger, ancienne élève de la FEMIS, qui s’est fait connaître en 2013 avec Party Girl, co-réalisé avec deux anciens condisciples, Marie Amachoukeli et Samuel Theis. Quand l’éloge de la paternité est fait par une femme, que demande le peuple ? C’est forcément au-dessus de tout soupçon !

Pourtant, avec l’esprit chagrin qui me caractérise, je me suis demandé pourquoi une fois de plus, après Nos batailles et Pupille, des mères abandonnent leur(s) enfant(s) du jour au lendemain, sans que le film se sente tenu d’expliquer cet abandon. Pourquoi dans la réalité, c’est le plus souvent l’inverse qui se produit (y compris avec les difficultés économiques consécutives au non-paiement des pensions alimentaires…)

Et j’ai trouvé : une mère qui s’occupe de ses enfants, y compris quand le père est parti, c’est normal, donc c’est d’une banalité sans aucun intérêt ; en revanche un père qui s’occupe de ses enfants tout seul, c’est émouvant : et pourquoi c’est émouvant ? parce que c’est (encore) si rare… Et voilà pourquoi votre fille est muette, comme dirait Molière ! Voilà pourquoi les films français nous proposent cette kyrielle de pères abandonnés du jour au lendemain qui s’efforcent courageusement de s’occuper de leurs enfants, souvent maladroitement, mais ce n’est pas de leur faute, ils n’ont pas l’habitude, les pauvres !!!

Trêve d’ironie : Boulie Lanners est craquant, bien sûr, avec sa bonne bouille de bon gros… Les deux filles, Niki l’adolescente, Frida la pré-ado, sont d’un naturel rafraichissant ; la plus jeune est la plus perturbée par le départ de sa mère qui s’en va sans même laisser un mot ou un numéro de téléphone à ses filles, alors qu’elle travaille dans la même ville… d’ailleurs, on ne saura pas pourquoi elle est partie, sinon qu’elle n’aime plus son brave type de mari et qu’elle est tombée amoureuse d’un autre, mais pour autant pourquoi faut-il qu’elle disparaisse ?

La jeune Frida se découvre du désir pour une autre fille, ce que son père surprend, sans oser intervenir, parce qu’il est gentil et libéral… mais c’est quand même du souci…

La mère reprend contact au bout de quelques semaines, assez mal reçue par ses filles, on peut les comprendre. Pendant ce temps, le père fait ce qu’il peut. Mais ces difficultés domestiques s’ajoutent à des soucis professionnels : bureaucrate de base malheureux dans une agence pour l’emploi submergée par des cas sociaux, il craque, mais ça n’a apparemment pas de conséquence sinon que sa cheffe lui conseille de prendre sa journée pour se remettre.

Cerise sur le gâteau pour l’élite cultivée : ce petit employé de bureau dans une ville du Nord est passionné par la création artistique : il emmène ses filles dans des expos contemporaines, sa femme s’occupe de la régie d’un théâtre, où lui-même s’inscrit à un stage de performance théâtrale qui va finalement lui permettre de surmonter le départ de sa femme, en s’impliquant dans un très émouvant (bien sûr) spectacle de danse.

Dans le monde de ce film, les mères abandonnent leurs enfants pour aller vivre une aventure amoureuse et les employés de Pôle emploi donnent un sens à leur vie grâce à l’Art ! Voilà un vrai feel good movie à la française !

D’un côté, Mon bébé (voir artice sur le site) nous dépeint une mère dont tout le bonheur consiste à couver ses enfants, sans aucun problème matériel ni aventure amoureuse ; de l’autre C’est ça l’amour nous fait craquer sur l’héroïsme d’un père qui s’occupe de ses filles comme s’il était leur mère… A quand un film français qui nous raconterait de manière émouvante la vie difficile des mères ordinaires, celles qui prennent en charge leurs enfants jour après jour, avec ou sans père… On peut rêver !


>> générique


Polémiquons.

  • C’est ca l’amour se déroule dans l’est et pas dans le nord.

  • Pour avoir assisté à la présentation du film par sa réalisatrice rappelons que ce film est autobiographique : Frida c’est elle, la sœur c’est sa sœur, le père c’est son père, la mère c’est sa mère. Le sujet de son film est le "père" et non les causes du départ de sa mère.
    Notons au passage que pas un seul personnage féminin est fade, même les seconds rôles (la camionneuse, l’adolescente qui s’amuse avec Frida, ...). Ces femmes existent et le font savoir.
    Donc le père ! Même si le départ de la femme qu’il aime le "perturbe" , il admet l’évidence (par de coup, de hurlement, de meurtre ....). Que les conséquences de cette rupture unilatérale le déstabilisent et se traduisent par la responsabilité "momentanée" et parfois "maladroite" de mener seul la barque d’une famille monoparentale (en attendant que l’ex-épouse s’organise) où est le problème ? Car ce qui se dégage c’est d’une part l’amour qu’il éprouve envers ces deux filles qui vivent leur vie et d’autre part l’image d’un homme éloignée des stéréotypes de virilité archaïque (un film à montrer aux adolescents mâles ?).
    Quant au musée ! Il fut une époque où la classe ouvrière emmenait au théâtre ses enfants (TNP, ...). Certes ces temps sont peu être révolus. Mais pas dans la famille de la réalisatrice (un exemple à suivre peut être ?).

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