série britannique
La 3e et dernière saison de Broadchurch témoigne de la capacité de la télévision britannique de se coltiner avec la réalité sociale la plus tabou – ici, le viol – tout en maîtrisant l’écriture scénaristique la plus subtile. Belle performance !
Les deux officiers de police que nous connaissons déjà, Alec Hardy et Ellie Miller, toujours remarquablement interprétés par David Tennant et Olivia Colman, ont à enquêter sur le viol d’une femme de cinquante ans, dont le look est celui d’une femme ordinaire, comme c’est aussi le cas pour Ellie Miller. À travers ces choix de casting, typiques de la télévision britannique, c’est la réalité sociale des classes populaires qui est rendue visible, ce que la télévision française est pour l’instant largement incapable de faire (Corinne Masiero, l’héroïne récurrente de la série de France 3 Capitaine Marleau est l’exception qui confirme la règle).
Chacun des suspects que les enquêteurs interrogent révèle des comportements masculins aussi variés qu’accablants, depuis le mari de la victime qui l’a quittée pour une collègue plus jeune et fait poser sur l’ordinateur de son ex un logiciel espion, jusqu’au patron de la victime, caissière dans la supérette locale, qui la poursuit secrètement de ses assiduités en accumulant des photos volées, en passant par le mari de l’autre caissière qui saute sur tout ce qui bouge, y compris le jour de la fête où sa femme fête ses cinquante ans ; la jeune génération masculine ne vaut pas mieux, qui échange des films porno sur ses téléphones et diffuse sur les réseaux sociaux des photos compromettantes des filles du lycée.
Face à ces hommes brutaux, indifférents, coureurs ou lâches, les femmes essaient avec plus ou moins de succès d’élever leurs enfants, de faire leur boulot, de panser leurs plaies, de maintenir la tête hors de l’eau.
La formule scénaristique qui fait durer une enquête sur toute une saison permet de privilégier l’exploration du milieu social et la complexité des personnages et des situations, plutôt que la résolution « magique » de l’enquête. La supériorité de cette formule n’est plus à démontrer.
Le fait que la victime du viol soit une femme de cinquante ans physiquement aussi ordinaire que vous et moi, vient nous rappeler que le viol n’a rien à voir avec les « pulsions » irrésistibles qu’éprouverait un homme face à une femme désirable. En revanche, la résolution de l’enquête met en évidence le fait que le viol est l’expression d’une volonté de domination absolue sur les femmes, que les hommes qui s’y livrent perçoivent comme la preuve de leur virilité. Rien de rassurant dans ce constat, mais cette saison 3 de Broadchurch a une dimension didactique que la télévision française de service public devrait envier.