Ce film du cinéaste haïtien est rafraichissant, non seulement parce qu’il dépoussière les personnages de Karl Marx et Friedrich Engels et montre l’actualité brûlante de leur pensée, mais aussi parce qu’il rend visible la place des femmes dans le combat pour l’émancipation sociale…
Rappelons que Raoul Peck n’est pas seulement l’auteur récent d’un passionnant documentaire sur James Baldwin, I am not you Negro1 [1], mais aussi le réalisateur d’une mini-série fictionnelle produite naguère par Canal +, L’Ecole du pouvoir (2009), sur les débuts en politique de la promotion Voltaire de l’ENA, celle de François Hollande, entre autres.
On retrouve dans Le Jeune Marx, qui se focalise sur la période 1843-1848, ce qui faisait déjà la qualité du téléfilm en quatre épisodes, l’articulation des rapports de classe et des rapports de genre.
Ici la jeune épouse de Marx, Jenny von Westphalen, est montrée comme une femme politiquement engagée qui a choisi en toute connaissance de cause de rompre avec son riche milieu aristocratique pour accompagner son époux, un roturier d’origine juive, partout où leur combat pour l’émancipation sociale les conduit ou les exile. Le film montre comment leurs difficultés matérielles pèsent spécifiquement sur les épaules de cette jeune mère de famille, de nouveau enceinte alors que la police française leur intime l’ordre de quitter le territoire dans les 24 heures, sa générosité face à son époux écartelé entre son œuvre, ses engagements politiques et ses difficultés à faire vivre décemment sa famille.
Si le film est structuré sur la rencontre décisive entre Marx et Engels, la volonté de Raoul Peck de rendre visible la place des femmes dans le combat pour l’émancipation sociale se marque aussi dans la façon dont il raconte la prise de conscience du jeune Friedrich, à travers sa rencontre avec l’ouvrière Mary Burns dont il fera sa compagne.
Tout au long de cette phase inaugurale de leur combat, qui conduit à la rédaction du Manifeste du Parti communiste en 1848, la participation des femmes est constamment soulignée, et le film se termine sur une très belle scène au bord d’une plage belge battue par les vents, où Jenny et Mary discutent de leur choix en matière d’enfant : Mary l’ouvrière explique à Jenny l’aristocrate en rupture de ban, qui a déjà deux filles, pourquoi elle a décidé de ne pas avoir d’enfant…
On aimerait que les cinéastes français.es aient une conscience aussi aiguë de ces questions…