D’après Léon Morin prêtre de Béatrix Beck, avec Romain Duris et Marine Vacth
La Confession est l’adaptation de Léon Morin, prêtre, le magnifique roman autobiographique de Béatrix Beck publié en 1952 et pour lequel elle obtint le prix Goncourt. C’est l’histoire d’une femme, Barny, qui ose exprimer son désir pour un prêtre catholique dans le contexte d’une petite ville de province pendant l’occupation allemande et à la Libération.
C’est aussi l’histoire d’un roman de femme adapté au cinéma successivement par deux hommes plutôt connus pour leurs films policiers virils : Jean-Pierre Melville en 1961 et Nicolas Boukhrief aujourd’hui. Boukhrief dit non sans raison que Léon Morin, prêtre « ce n’est pas Melville : c’est un livre », et pourtant il est difficile de ne pas faire la comparaison, éclairante sur certains enjeux du cinéma français contemporain.
Au cœur de Léon Morin prêtre est une série de joutes verbales entre deux individus égaux sur le plan intellectuel, ce qui sublime le désir forcément transgressif de Barny pour Léon Morin qui lui résiste (nous ne sommes pas dans La Faute de l’Abbé Mouret de Zola). Comparé au roman, le film de Melville faisait déjà preuve d’un certain déséquilibre entre le personnage féminin et le personnage masculin, exagérant la fragilité et la frustration sexuelle de Barny, tandis que Morin demeure opaque, solide comme un roc, alors que toutes les femmes de la ville sont à ses pieds. Cependant, à l’écran, Emmanuelle Riva, encore auréolée de son interprétation de l’héroïne dans Hiroshima mon amour, projette une aura de femme passionnée mais réaliste, courageuse, mère d’une petite fille, égale en intensité et en âge à Morin tel qu’il est incarné par Belmondo. Elle lui dit d’ailleurs : « vous êtes un homme de mon âge » lorsqu’il pointe l’absence des hommes dans la ville, tous éloignés par la guerre, y compris le mari de Barny (dans le roman elle est veuve). D’où le problème du casting de La Confession où Romain Duris est Léon Morin et Marine Vacth interprète Barny. En elle-même la performance des deux comédiens est tout à fait honorable et on comprend le choix de Duris qui ne démérite pas en héritier du jeune Belmondo. Mais la ravissante Marine Vacth, top modèle révélée par le bien nommé Jeune et jolie de François Ozon (2013), pourrait pratiquement être la fille de Romain Duris et l’usage insistant des gros plans souligne la beauté hors du commun de son visage au détriment de ce qu’elle dit. Boukhrief dans une interview confirme d’ailleurs que la beauté de la jeune femme a été le critère principal de son choix : « c’est comme si Romain Duris était mon fils et je cherche la plus belle des mariées pour lui » (toutelaculture.com).
La Confession est aussi une histoire qui se passe pendant la guerre, encore très proche quand Melville fait son film auquel Beck avait participé en tant que conseillère. Soixante ans plus tard, la période est tombée dans le domaine de la reconstitution historique et le film n’évite pas un certain nombre de clichés (notamment dans la représentation des collègues de Barny à la poste) sans doute favorisés par un budget visiblement modeste. En même temps on bondit à quelques anachronismes, par exemple quand une des jeunes femmes dit de Léon Morin qu’il est « canon ». Surtout, on ne voit pas la nécessité des scènes qui encadrent l’histoire principale, où Barny mourante se confesse à un jeune prêtre. Ou plutôt si : le récit puissant d’une femme intelligente qui assume ses actes devient un long flash-back sentimental dont l’héroïne demande pardon ! Précisons que dans le roman, Barny, communiste, entame une conversion au catholicisme, mais il est clair qu’elle désire Morin au moins autant que la religion. Une seule chose à faire : lire ou relire d’urgence le roman de Béatrix Beck.