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Mia Hansen-Løve

Un beau matin


Par Geneviève Sellier / lundi 10 octobre 2022

L'autobiographie ne justifie pas tout...

De Mia Hansen-Løve, on avait bien aimé L’Avenir (2016), avec Isabelle Huppert, sur une femme d’âge mûr quittée par son mari pour une femme plus jeune (évidemment) et qui doit apprendre à vivre autrement…

La déception est d’autant plus grande avec ce film, présenté (comme la plupart de ceux de cette réalisatrice) comme largement autobiographique : une femme dans la trentaine, Sandra (Léa Seydoux), veuve élevant seule sa fille Linn, doit faire face à la dégradation physique et mentale de son père (Pascal Greggory), atteint d’une maladie dégénérative. Le sujet est apparemment porteur – sans doute parce que le problème du grand âge devient angoissant pour la plupart d’entre nous – puisque sur un thème analogue, Florian Zeller a fait un tabac avec The Father (2020), incarné par Anthony Hopkins face à Olivia Colman ; et dans un registre plus intimiste mais avec plus d’humour, Tout s’est bien passé (2021), l’adaptation par François Ozon du récit d’Emmanuelle Berheim, avec André Dussollier et Sophie Marceau, a fait un score honorable.

Mais la chronique de Mia Hansen-Løve ne décolle pas… La performance de Pascal Greggory est presque gênante, à force d’être répétitive, et encore plus les incursions « documentaires » dans divers EPAHD de Paris et sa banlieue. Sans doute pour contrebalancer ce que peut avoir de profondément déprimant ce genre de situation, on a droit à une romance entre Sandra et Clément (Melvil Poupaud), d’une banalité confondante : Clément, l’ancien ami du couple, reparaît opportunément quelques années après la mort du mari de Sandra, et s’autorise enfin à lui manifester plus que de l’affection (bien qu’il soit marié et père d’un jeune garçon, mais peut-on résister à la passion ?) : on a droit aux inévitables scènes de sexe, et Léa Seydoux qui était jusqu’alors aussi mal fagotée que possible, le cheveu court et l’allure androgyne, se met à porter des robes légères et nous offre enfin son corps sublime, qui fait depuis La Vie d’Adèle, une partie non négligeable de son caractère bankable. Comme Clément est un brave type, leur amour partagé se heurte à ses engagements familiaux : il la quitte par deux fois mais finira par revenir (ouf !). Bien sûr les protagonistes ont des métiers suffisamment prestigieux pour faire rêver… l’élite cultivée : Sandra est interprète anglais/allemand et navigue entre colloques et cérémonies internationales ; Clément est cosmo-chimiste ( !) et analyse les débris d’astéroïdes qu’il va chercher dans les régions du globe les plus isolées… ainsi qu’il le raconte à la petite Linn, visiblement subjuguée.

La seule à introduire un peu de vie et de bon sens dans cette chronique languissante, c’est Nicole Garcia qui incarne l’ex-femme du père, divorcée depuis plus de 20 ans, en couple avec un autre homme, mais qui continue à s’occuper de cet homme incapable désormais de se prendre en charge. Situation classique des femmes toujours assignées au care, même quand les liens affectifs se sont distendus.

Il manque visiblement plusieurs mois d’écriture pour que cette histoire puisse avoir un quelconque intérêt pour le public ordinaire, celui qui n’est pas prêt à s’attendrir sur cet homme diminué parce que c’est un intellectuel, et qui plus est, spécialiste de culture germanique (faut-il comprendre, comme dit mon amie Ginette, que si c’était un ouvrier, il n’y aurait pas de quoi s’apitoyer ?). Naturellement, tout ce petit monde vit dans des appartements qui donnent soit sur la Mosquée soit sur de charmantes cours arborées en plein Paris et dont les enfants suivent des cours d’escrime… On a droit à un épisode dans un EPAHD sinistre à Courbevoie (forcément) mais heureusement, une place se libère dans un établissement montmartrois, où ce pauvre homme qui ne voit plus rien et n’a plus aucune idée de là où il est, sera forcément mieux (comme si le problème des EPAHD tenait au lieu de leur implantation !). On en vient même à se demander si le film n’a pas trouvé son financement parce qu’il reflète si fidèlement l’environnement physique et culturel de l’élite cultivée à qui il semble s’adresser exclusivement…

Tout le monde n’a pas le talent d’Annie Ernaux pour raconter sa vie, qui plus est une vie « ordinaire » comme celle mise en récits par la nouvelle lauréate du prix Nobel de littérature…


générique


Polémiquons.

  • Certes, après avoir vu et apprécié le film, j’ai lu la critique de Jean-Michel Frodon sur Slate.fr en date du 06/10/22. Il met en exergue les subtilités de la réalisatrice et de ce film. Donc je trouve la critique ci dessus un peu dure.
    Où sommes nous ? Dans la classe moyenne - moyenne :
     les métiers exercés, professeur de philosophie, traductrice, chercheur, ne permettent pas de devenir millionnaire sans toutefois être pauvre.
     les logements filmés ne sont pas vastes et sont meublés sans aucun luxe. Le père est propriétaire mais vu son âge cela correspond à la possibilité passée d’acquérir son logement parisien (ce n’est plus vrai aujourd’hui).
     l’apparence des personnages relèvent de la banalité quotidienne de nos vies : ils correspondent aux gens que nous croisons dans nos rues. Notons que Léa Seydoux n’est pas maquillée.
    Il y a donc une certaine cohérence vraisemblable dans laquelle ce déploie le film.
    Deux interrogations me sont venues (en associant d’autres films).
    De l’homme adultère.
    A priori en France il n’y a pas de célibataires, de divorcés, de veufs. Les réalisatrices et les réalisateurs semblent fascinés par les hommes mariés avec enfants (ici un fils, ouf !). Pas d’amour naissant ou re-naissant sans cette situation matrimoniale. S’agit-il d’un nouveau romantisme à la française ou de mettre en évidence l’inconsistance du mâle français ? En tout cas je ne vois pas en quoi cette situation est indispensable dans cette histoire. Curieux !
    De la nudité de Léa Seydoux.
    Je me suis surpris à attendre le moment où l’actrice apparaitra nue. Bingo ! Mais ici (bien que assez prude) cette scène n’apporte rien au film. D’autres artifices auraient pu être employés pour nous faire comprendre que le couple venait de faire l’amour. Quelle est donc cette obsession des réalisatrices et des réalisateurs pour le corps de cette actrice (à laquelle j’associe de plus en plus celui de Virginie Efira) ? S’agit-il de diffuser, consciemment ou pas, une nouvelle référence du corps idéal de la femme ? Corps idéal s’éloignant des critères de maigreur des décennies passées et s’approchant de la représentation antique de la femme. A voir !

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