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Trois amies, Alice (Camille Cottin), Rebecca (Sara Forestier) et Joan (India Hair), se font leurs confidences, essentiellement sur leur vie amoureuse, sauf qu’il s’avère que Rebecca entretient une liaison avec le mari d’Alice, Eric (Grégoire Ludig), ce que celle-ci ignore bien sûr. Joan (India Hair) n’est plus amoureuse de son mari Victor (Vincent Macaigne) bien qu’il soit parfait sous tous rapports, dit-elle, y compris avec leur fille de 8 ans. Elle ne veut plus faire l’amour avec lui. Comme il l’aime, il attend patiemment jusqu’à ce qu’elle lui annonce qu’elle préfère le quitter. Sous le choc, il se soule et meurt dans un accident de voiture. Joan vivra désormais avec la conviction qu’elle est responsable de sa mort.
Alice explique à Joan qu’elle n’est pas amoureuse non plus de son mari qui l’adore (elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca), mais elle lui manifeste toute la tendresse dont il paraît avoir besoin pour que leur couple confortable dure. Quant à Rebecca, elle voudrait bien qu’Eric quitte Alice pour vivre avec elle, mais elle craint de faire souffrir son amie (on ne rit pas !) etc, .etc… ça dure quand même deux heures !
Le film ne réussirait sans doute pas le test de Bechdel car les trois amies ne parlent que des hommes, ceux qu’elles aiment, ceux qu’elles désirent, ceux qu’elles n’aiment plus...
Emmanuel Mouret, pour mettre un peu de piment dans cette intrigue de boulevard, fait de Victor, le mari qui se tue après 15 minutes de film, le narrateur de l’histoire depuis l’outre-tombe, plein de bienveillance pour la femme qu’il aime toujours, sans rancune pour les circonstances de sa mort. Il apparaîtra même en chair et en os (on est dans un conte) pour la réconforter quand elle se fait jeter comme une malpropre par un autre homme…
On retrouve les ingrédients habituels des films de Mouret, les décors intérieurs et extérieurs style « Maisons et jardins », une insertion professionnelle des personnages parfaitement invraisemblable – les trois amies sont censées enseigner en lycée sans que leur métier ait la moindre incidence sur leur niveau de vie qui correspond davantage à des CSP+… très disponibles !
Les relations amoureuses ne sont soumises à aucun des aléas de la vie réelle, comme l’inégalité du partage des tâches, le désinvestissement d’un des deux partenaires, le sentiment d’abandon de l’autre, etc… ce serait insulter Marivaux que de parler de marivaudage, car chez le dramaturge du XVIIIe siècle, les inégalités sociales et genrées structurent les intrigues.
En revanche, on retrouve dans le film le fonds misogyne de la tradition boulevardière, en particulier concernant les amitiés féminines, toujours basées sur le mensonge et la tromperie. Sauf que dans le théâtre et le cinéma de boulevard, il y a un fort enjeu social : légitimer le patriarcat...
À cela s’ajoute une dimension sadique dans le traitement des personnages féminins : la pauvre Joan traîne sa culpabilité comme un boulet et quand elle fait enfin une nouvelle rencontre amoureuse, le type la plante parce qu’il trouve qu’elle s’investit trop dans leur relation ; Rebecca, professeure d’arts plastiques sans poste (on se demande de quoi elle vit), réussit enfin à organiser un week-end avec Eric, son amant, pour s’apercevoir qu’il ne pense qu’à sa femme Alice qu’il soupçonne de le tromper. Quand Rebecca rapporte à un peintre côté (Eric Caravaca) les deux toiles qu’il a offertes à Alice avec qui il a eu une courte liaison, ils sympathisent, sont à deux doigts de coucher ensemble, mais le lendemain matin, il la renvoie comme une malpropre…
Le point commun de toutes ces histoires, c’est qu’on ne sait jamais pourquoi tel personnage tombe amoureux, pourquoi tel autre cesse d’aimer, l’amour est irrationnel, comme le désamour. Sinon, il faudrait plonger dans la réalité quotidienne et prendre au sérieux les rapport sociaux genrés : quelle horreur !
Le film est (malheureusement) sauvé par ses actrices, India Hair, Camille Cottin et Sara Forestier, qui nous enchantent par leur naturel, leur fantaisie et leur humour.
Si l’on veut comprendre pourquoi le cinéma d’auteur français a un public de plus en plus limité, la vision de ce film apporte quelques réponses, en particulier l’absence totale d’enjeu d’aucune sorte. Précisons qu’il a reçu plusieurs aides du CNC : aide à la conception, aide à la création de musiques originales, aide sélective à l’édition vidéo.
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PS. Je recommande le visionnement du témoignage récent de Sara Forestier devant la commission de l’Assemblée nationale sur les violences sexistes et sexuelles dans le monde du spectacle, pour avoir une idée du calvaire que subissent les jeunes actrices.