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Pascal Thomas / 2019

À cause des filles… ?


>> Geneviève Sellier / mardi 5 février 2019

Ni… ni…


Le film à sketches est un genre qui ne se justifie que si l’on perçoit une unité thématique entre les histoires racontées. Ici, les anecdotes se greffent sur un mariage avorté : le marié (Frédéric Beigbeder) au sortir de l’église, s’enfuit avec une autre femme, la mariée laissée en plan fait contre mauvaise fortune bon cœur et emmène les convives partager des fruits de mer et du vin blanc dans une guinguette au bord du bassin d’Arcachon, au son d’un petit orchestre de variétés qui égrène des chansons d’amour… Chacun y va de son anecdote sur une histoire d’amour bizarre… et chaque anecdote est ponctuée par une chanson que reprennent les convives.

On sent que le cinéaste veut éviter la misogynie aussi bien que la critique systématique des comportements machistes, pour se réfugier dans un entre-deux qui se veut « poétique », mais cette absence de point de vue laisse un goût un peu fade, même si certains épisodes sont bien enlevés. Ni vulgaire, ni cynique, le ton du film peine pourtant à convaincre.

 Un gentil chauffeur de taxi (José Garcia) à qui on attribue le nouveau-né de la femme enceinte qu’il a amenée à la maternité, et qui constate à la faveur d’un test ADN pour prouver sa non-paternité qu’aucune de ses trois filles n’est de lui, laisse finalement parler sa fibre paternelle : c’est la célébration d’une figure de papa-poule.
 Un jeune scénariste (Louis-Do de Lencquesaing) qui se fait draguer par l’épouse (Audrey Fleurot) de son producteur potentiel, n’arrive pas à conclure à cause de l’irruption d’un gang de voleurs dans l’appartement de la belle : c’est une version soft de la femme mante religieuse.
 Un veuf dépressif (François Morel) se prétend peintre pour faire venir chez lui la femme modèle (Rossy de Palma) dont il est tombé amoureux : cette anecdote tourne en dérision la drague masculine et célèbre une figure féminine martiale (elle pose en Artémis).
 Une professeure de français un peu trop libérée est prise à son propre jeu (Marie-Josée Croze) : cet épisode est le seul qui soit agressivement misogyne, avec une figure de femme libérée aussi terrifiante qu’implacable.
 La maîtresse (Irène Jacob) d’un homme politique (Laurent Lucas) marié découvre, quand l’épouse meurt dans un accident, que son amant l’utilise pour veiller sa femme pendant qu’il lutine une maîtresse plus jeune : ici, c’est la goujaterie masculine qui est clouée au pilori.
 Un écrivain (Louis-Do de Lenquesaing) qui produit du roman érotique à la ligne est confronté à la pruderie d’une dactylo vieille fille (Bernard Ménez) : cet épisode est gentiment conventionnel, qui oppose une vieille fille coincée et une autre beaucoup plus libérée (Michèle Laroque).
 Une femme (Barbara Schultz) spécialiste des Fleurs du mal, tombe grâce à un site de rencontre sur un jeune homme amoureux de Baudelaire qui a fait tatouer ses poèmes sur son corps, mais une grossière faute d’orthographe commise par le tatoueur met fin à la rencontre : l’utilisation par les femmes des sites de rencontre est gentiment tournée en dérision.
 Une amie de la mariée (Caroline Ducey) se rappelle son premier amour à dix ans, et sa déception quand elle a compris que son béguin ne pensait qu’à passer dans la classe supérieure : cet épisode illustre l’écart psychologique entre garçons et filles prépubères.
 Un vieil homme (Pierre Richard) est visité par une apparition (Marie-Agnès Gillot) qui se révèle être sa mort : on reste dubitatif face à cette incursion poético-fantastique.
 Enfin la mariée (Victoria Olloqui) monte sur le phare par appeler son mari puis l’insulter avant de jeter ses bagues : sans qu’on comprenne pourquoi ni comment, la mariée délaissée passe de l’amour romantique à la rébellion…

Certaines de ces anecdotes sont touchantes, d’autres sont drôles, mais on a bien du mal à y voir une vision cohérente des rapports amoureux entre hommes et femmes, sinon le refus justement de prendre parti… Le titre n’est même pas justifié, il est juste accrocheur.

On retrouve là un défaut assez fréquent dans la comédie de mœurs à la française (par exemple dans les films de Danielle Thompson, du couple Bacri-Jaoui, de Sam Karmann,de Marion Vernoux), où il s’agit de faire rire aussi bien des « travers » des hommes que de ceux des femmes, comme si tout était égal par ailleurs…


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