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Jess Armstrong

Succession, saisons 1 et 2


>> Marion Dalibert / vendredi 24 avril 2020

Le cynisme des dominants

attention au divulgâchage


Succession est une série créée par Jess Armstrong diffusée sur HBO depuis le printemps 2018 et dont la troisième saison est attendue à l’été 2020. Louée par la critique, elle a remporté plusieurs récompenses prestigieuses, dont le Golden Globe 2020 de la meilleure série dramatique. Souvent considérée comme la digne successeure de Game of Thrones, l’un des plus grands succès de la fameuse chaîne câblée HBO, Succession porte aussi sur des jeux de pouvoir, mais cette fois-ci l’action ne se situe pas dans un univers fantastique moyenâgeux, mais aux États-Unis d’Amérique à l’époque contemporaine. La série se centre en effet sur les luttes intestines de la famille Roy dont le père, Logan (Brian Cox), octogénaire à la santé fragile qui fait une attaque dès le premier épisode (et qui rappelle un peu Rupert Murdoch), dirige « Waystar », un conglomérat d’entreprises d’entertainment (médias d’information, cinéma, croisières, parcs d’attractions…) pesant des milliards de dollars. L’axe narratif porte donc sur la succession de Logan (d’où le titre de la série), attendu que ses quatre enfants, trois garçons et une fille — Connor, Kendall, Roman et Siobhan — souhaitent prendre la tête de l’entreprise familiale ou bénéficier, d’une manière ou d’une autre, de l’empire financier construit par leur père.

Mettant en scène les relations conflictuelles entre les membres d’une famille « WASP » (white anglo-saxon protestant) riche et puissante, qui promeut et bénéficie pleinement du néolibéralisme, Succession fait évidemment penser à Dallas, illustre série à la réception internationale créée par David Jacobs et diffusée aux USA entre 1978 et 1991. Succession est en effet une série sur les puissants de ce monde, à savoir la minorité la plus riche et privilégiée des classes supérieures. Celle-ci y est présentée comme vivant dans des appartements luxueux à Manhattan (New York) avec du personnel de maison, se déplaçant en hélicoptère, jet privé ou voiture avec chauffeur, possédant de multiples résidences secondaires, à l’instar d’un yacht gigantesque ou d’une maison dans les Hamptons [1] valant plus de 150 millions de dollars.

Outre ces marqueurs « matériels » ou économiques de classe, les personnages sont blancs, hétérosexuels et majoritairement masculins. Succession est une série qui compte peu de personnes racisées et encore moins de minorités LGBTQI+. Les personnages secondaires non-blancs sont tous de classe supérieure et ont la peau plutôt claire, à l’instar de Lawrence Yee (Rob Yang), fondateur d’un média en ligne (racheté par Waystar) qui est d’origine asiatique et gay, mais aussi de la femme de Logan Roy, Marcia (Hiam Abbass) et de Stewy Hosseini (Arian Moayed), investisseur et ami de Kendall Roy, qui semblent tou.te.s les deux avoir des origines moyen-orientales.

La série compte très peu d’Africain.es-Américain.es — ce qui est rare pour une production américaine contemporaine –, à l’exception d’un employé de Waystar et d’une femme membre du conseil d’administration, les deux n’étant visibles que dans un épisode de la première saison (l’épisode 1 pour le premier, le numéro 6 pour la seconde). Dans Succession, les blancs sont surreprésentés, sans que cela soit problématique du point de vue de la politique des représentations. Cette hypervisibilité correspond en effet à la sociologie des classes supérieures états-uniennes et rend compte du fait que le pouvoir économique est exercé quasi exclusivement par des hommes blancs hétérosexuels.

L’autre particularité de Succession, c’est que les richissimes personnages principaux sont (quasiment) tous détestables, ce qui fait d’ailleurs l’originalité et l’intérêt de la série. Elle constitue effectivement son ressort comique, mais aussi sa dimension critique : les dominants ne sont pas valorisés. Le manque de valeurs morales est constitué en marqueur de classe et utilisé pour dépeindre les plus puissants.

Logan Roy symbolise l’homme de pouvoir à son paroxysme, dont l’âge avancé et le physique imposant participent pleinement à l’incarnation d’un tel statut. Sa masculinité est caractérisée par la virilité : il est montré comme « ayant des couilles », il est à la fois brutal et courageux, ce qui lui a permis de développer son empire en partant de rien et de vivre son rêve américain (il vient d’une famille pauvre écossaise). Même s’il est gentil avec sa femme, il est vulgaire et colérique avec les autres, il humilie ses collaborateurs et collaboratrices, il insulte et frappe ses enfants et est prêt à tout pour maintenir sa domination au sein de Waystar, mais aussi sur sa famille qu’il manage comme une entreprise. Son absence d’éthique est régulièrement soulignée par son frère Ewan (James Cromwell), avec qui il ne s’entend pas et qui est le seul membre de sa famille à ne pas avoir de vues sur la fortune familiale. Ewan dira par exemple de Logan qu’« il n’a aucune morale, c’est un minable. Il joue un rôle plus grand dans la mort de cette planète que n’importe quel autre être humain. […] Si on compte les vies que coutera son racolage en faveur des climatosceptiques [au sein d’“ATN news”, chaîne d’information controversée qu’il possède], on peut affirmer avec pertinence qu’il est pire qu’Hitler » (saison 2, épisode 8). Ewan est un progressiste (il défend Greenpeace et est attentif aux enjeux climatiques) qui déplore que son frère soit capable de vendre son âme au diable pour générer du profit.

Les enfants de Logan ne sont pas non plus d’une moralité exemplaire. Connor Roy (Alan Ruck), premier fils de Logan et quinquagénaire, est le seul à rester relativement en retrait des enjeux de pouvoir au sein de Waystar, tout en bénéficiant de la réussite financière de son père. Grâce à une rente paternelle, il n’a pas besoin de travailler mais, sur un coup de tête, il décide de briguer la présidence des États-Unis à la fin de la première saison, alors qu’il n’a aucune expérience politique. Il vit dans un ranch luxueux et pense que tout s’achète, même ses relations amoureuses. Il fait ainsi régulièrement appel à Willa Ferreyra (Justine Lupe), escort-girl, qu’il considère comme sa petite amie. Connor est présenté comme hors du monde, un naïf qui est considéré comme un idiot par son entourage. Dans l’épisode 10 de la deuxième saison, il fait par exemple part à son père de ses « problèmes d’argent » : « Écoute, papa, je vais vraiment mal. Avec mes 500 000 dollars par semaine, entre le ranch et ma campagne [électorale], j’ai peu de liquidités. Je voudrais t’emprunter un petit 100 millions », ce à quoi Logan répondra : « un petit 100 millions ? Peut-être, mais tu devras renoncer à ta campagne. […] Tout le monde pense que tu es une blague et tu me fous la honte. »

Kendall Roy (Jeremy Strong), deuxième fils de Logan, a une petite quarantaine d’années, est séparé de sa femme et père de deux enfants. Il est accro à la cocaïne, met en place différentes stratégies pour évincer son père de la direction de l’entreprise et dissimule son implication dans un accident de la route qui a couté la vie à un jeune serveur lors du mariage de sa sœur. Même si certains de ses comportements sont problématiques, c’est le personnage principal le plus sympathique, à cause du type de masculinité qu’il manifeste. Il incarne une certaine douceur, loin de la virilité repoussoir de son père ainsi que des masculinités défaillantes de ses frères. Il est le seul à douter de lui-même, à suivre une certaine éthique en affaire, à montrer ses sentiments et à être relativement respectueux des autres. Ses qualités morales et son manque de « couilles » (les deux étant liés) sont même mis en avant par son père pour expliquer pourquoi il ne l’a pas choisi comme successeur à la tête de l’entreprise : « Tu es intelligent et doué, mais […] tu n’es pas un tueur. Tu dois être un tueur » (saison 2, épisode 10).

Roman Roy (Kieran Culkin) est le troisième fils de Logan. Trentenaire, il deviendra directeur d’exploitation de Waystar au début de la première saison. Immature et souvent déloyal, Roman est de loin le personnage le plus antipathique. Il ridiculise continuellement son entourage et prend plaisir à semer le trouble. Par exemple, alors que sa sœur, qui travaille dans la communication politique, rassure Tom, son fiancé, sur le fait qu’elle ne l’a jamais trompé, une fois celle-ci partie, Roman s’adresse à Tom en sous-entendant qu’elle lui a menti en argumentant sur le fait que « mentir, ça fait partie de son travail » (saison 1, épisode 5). Roman est de surcroit associé à des déviances sexuelles, telles que la nécrophilie et le sadomasochisme, sa libido étant particulièrement stimulée quand sa petite amie joue la morte, mais surtout quand Gerri Killman (J. Smith-Cameron), la directrice du service juridique de Waystar d’une cinquantaine d’années, le gronde et l’humilie avant de coucher avec lui.

Siobhan Roy, dit « Shiv » (Sarah Snook), est la seule fille de Logan et dernière de ses enfants. Trentenaire, fiancée puis mariée à Tom Wamsgans (Matthew Macfadyen), elle travaille dans le milieu politique au service de Gil Eavis, sénateur démocrate candidat à l’élection présidentielle, avant de se rapprocher de la direction de Waystar à partir de la saison 2. Elle est intelligente, stratège, très sûre d’elle, méprisante et un peu garce. Elle n’hésite pas à rabaisser Tom et ne fait pas dans le sentimentalisme en ce qui concerne les membres de sa famille. Dans le premier épisode de la saison 2, elle dira par exemple à son père à propos de Kendall : « S’il prend les rênes [de Waystar], je vends mes parts. Je m’associerai à Sandy et Stewy [concurrents de Waystar] et je monterai Gil [Eavis] contre toi. Je le tuerai. Putain, je le tuerai ».

Outre le manque d’éthique, les Roy sont caractérisés par leurs carences culturelles. Lors d’un dîner organisé chez les Pierce (saison 2, épisode 5), famille propriétaire de PGM (entreprise de médias que Logan veut racheter) et dont les membres sont présentés comme éduqués et cultivés (certains ont des doctorats ou travaillent à la Brookings Institution, think tank basé à Washington et spécialisé dans le domaine des sciences sociales), un membre de la famille Pierce demande à Roman s’il a un ouvrage littéraire à recommander. Celui-ci conseille la lecture du Cirque électrique de Timothy Lipton, titre inventé pour sauver la face et ne pas avouer que lire ne fait pas partie de ses pratiques culturelles.

Les Roy incarnent une bourgeoisie économique à la Trump et non une bourgeoisie intellectuelle, comme l’est la famille Pierce, dépeinte comme beaucoup plus respectable (pour reprendre la notion de Beverley Skeggs [2]), car défendant une certaine déontologie, notamment vis-à-vis du travail journalistique. À travers la famille Roy, la série propose une critique du néolibéralisme dépourvu de toute éthique - ce qui est articulé à l’absence de culture – et de son influence délétère sur les champs médiatique et politique. Logan est mis en scène comme échangeant régulièrement avec le Président des États-Unis (qu’il fait même attendre au téléphone, ce qui montre son influence) et sa chaîne ATM News est l’objet de nombreuses critiques (qui font écho à celles adressées à Fox News) car elle diffuse des opinions particulièrement conservatrices et valorise les Républicains au détriment des Démocrates. La série défend d’ailleurs l’idée que les médias sont très influents sur l’opinion et sur le vote, notamment par l’entremise du personnage de Shiobhan qui, dans la première saison, essaie de négocier avec Waystar pour que ATM News valorise plus fortement le sénateur démocrate pour qui elle travaille afin de lui faire gagner les élections présidentielles.

Ce tableau de personnages principaux plus ou moins repoussoirs (même s’ils dévoilent tou.te.s des failles et une certaine sensibilité au fur et à mesure du récit) alimente un discours de sens commun qui décrit le monde comme étant dirigé par des hommes blancs hétérosexuels dont les pratiques et les valeurs sont moralement répréhensibles, car ne prenant pas cas de l’intérêt des autres êtres humains et, plus globalement, de la planète. Deux autres membres de la famille Roy vont corroborer l’association, mise en scène dans Succession, entre masculinité, pouvoir et absence d’éthique :

Tom Wamsgans, caractérisé comme arriviste, lèche-botte, inconsistant et manquant souvent d’intelligence, obtiendra la direction des croisières de l’entreprise familiale puis la chaîne d’infos controversée ATM News, grâce aux pressions de son épouse ;

Greg Hirsch (Nicholas Braun), le maladroit petit-neveu de Logan (et petit-fils d’Ewan), fait tout pour obtenir un travail chez Waystar et gravir les échelons, quitte à participer, à la demande de Tom, à l’étouffement d’une affaire de harcèlement sexuel.

La première saison associe le pouvoir et ses (en)jeux à la masculinité et porte principalement sur les rapports entre Logan et son fils Kendall, celui-ci se présentant comme le plus légitime à diriger le conglomérat à la suite de son père. La saison 2 marque une évolution du point de vue du genre, visible dès le générique, avec la figure de la femme blanche de pouvoir qui devient centrale, même si les hommes restent fondamentalement associés à la puissance économique, sociale, politique, judiciaire et culturelle. Cette figure sera incarnée, d’une part, par Siobhan, qui s’implique de plus en plus dans les affaires de l’entreprise après que son père lui ait dit qu’il la voyait comme sa successeure (saison 2, épisode 1) et, d’autre part, par Rhea Jarrell (Holly Hunter), qui est à la tête de PGM et qui sera finalement nommée future PDG de Waystar (saison 2, épisode 8).

La saison 2 porte en partie sur la rivalité entre Siobhan et Rhea, qui sont toutes deux caractérisées par une féminité normative blanche et bourgeoise. Elles sont minces, belles, portent des tenues, des coiffures et un maquillage qui répondent aux codes de la femme d’affaires. Siobhan et Rhea sont investies dans leur carrière. Elles ne sont d’ailleurs jamais associées à la maternité : on ne leur connait pas d’enfants ni de désir/projet de parentalité. Elles sont en outre dépeintes comme intelligentes, stratèges et manipulatrices : elles n’hésitent pas à se piéger l’une et l’autre pour obtenir la place de Logan.

Dans Sucession, plus les femmes sont riches et ont une position sociale importante, plus elles sont immorales et associées à ce qui caractérise traditionnellement la masculinité : autorité, force, intelligence, stratégie, parentalité distante ou absente. La plus riche d’entre elles, Caroline Collingwood (Harriet Walter), ex-femme de Logan et (mauvaise) mère de Kendall, Roman et Siobhan, qui vit en Angleterre et possèdent d’immenses propriétés, est mise en scène comme particulièrement détestable, car sarcastique et méprisante. Ses propres enfants la considèrent comme une garce (« bitch »). Lors du mariage de Siobhan (saison 1 – épisode 10), Caroline fait devant tous les invités un discours destiné à sa fille : « J’aimerais simplement dire : je sais qu’on voit les choses différemment – ce qui est normal vu que ton père a mis l’océan atlantique entre nous. Tu dois te dire que j’essaie délibérément de te faire pleurer ou de te voler la vedette, mais je voulais te dire, devant tout le monde, que tu es spéciale et que je t’aime à ma manière. Je tenais à le dire en public parce que je me fais vieille et que je manquerai de force lors de ton prochain mariage. » Ce discours maternel est particulièrement ambigu car, pris au premier degré, il est mesquin, mais au second degré, il devient drôle car en complet décalage avec ce qui est socialement attendu d’une mère le jour du mariage de sa fille.

Les femmes moins riches, moins puissantes et qui ne prennent pas part à la gestion de Waystar – mais qui restent, bien-sûr, de classe supérieure — sont mises en scène comme étant beaucoup plus respectables que les autres, tout en étant moins charismatiques, moins « intéressantes » et moins présentes dans la narration. Ces personnages féminins secondaires sont associés aux valeurs du care, c’est-à-dire au soin, champ traditionnellement associé à la féminité et à la maternité. Marcia, femme de Logan (et belle-mère de Connor, Kendall, Roman et Siobhan), est particulièrement bienveillante à l’égard de son mari, elle veille sur sa santé, elle le protège, notamment de ses enfants (ce qui la renvoie à la figure de la marâtre). Elle est en outre tendre à l’égard de son fils, Amir, qui travaille à l’étranger pour Waystar. Les caractéristiques de Marcia rappellent celles de Rava, l’ex-femme de Kendall, qui est présentée comme s’occupant avec douceur et empathie de ses deux enfants (dont l’un est autiste) et toujours d’un grand soutien pour Kendall, malgré leur séparation. Willa Ferreyra, la « petite amie » de Connor, qui est, a priori, plus proche des classes moyennes (son activité de call-girl est un travail alimentaire en attendant de percer dans le milieu du théâtre), est aussi présentée comme gentille et respectueuse des autres.

Un des personnages féminins importants se situe toutefois entre le pouvoir et le care  : Gerri Killman, conseillère juridique de Waystar, blanche et d’âge mûr, qui fait partie du premier cercle des Roy. Gerri incarne une féminité « intermédiaire » et ambivalente, à cause de son statut social important qui fait d’elle une femme de pouvoir – tout en étant dominée chez les dominants. Sa position dans l’entreprise est prestigieuse, mais elle exécute les ordres de ses patrons sans protester (ce que ne font jamais Siobhan et Rhea), tout en couvrant les bourdes des Roy, notamment celles de Roman. Gerri est intelligente, rationnelle et maîtresse d’elle-même. Elle peut être manipulatrice, mais veille toujours à l’intérêt de Waystar (plus qu’à celui des Roy). Elle connait très bien tous les membres de la famille, cultive une façade imperturbable mais n’en est pas moins dupe : les plans rapprochés sur les micro-réactions de Gerri aux dires et pratiques des membres de la famille font d’ailleurs partie du ressort comique de la série. On connait très peu sa vie personnelle, si ce n’est qu’elle est veuve et qu’elle entretient une relation érotique et sadomasochiste avec Roman, explicitée dans la saison 2. Cette représentation est d’ailleurs transgressive du point de vue du genre, car il est rare de voir, dans les séries, une femme d’une cinquantaine d’années au physique banal mise en scène comme objet de désir, encore moins aux yeux d’un homme trentenaire plutôt beau garçon. Cet axe narratif confirme aussi l’importance des femmes dans la saison 2 de Succession.

À l’instar de Gerri, des personnages secondaires masculins travaillant chez Waystar ont des comportements plus éthiques que ceux des Roy. Ils font notamment preuve de fidélité et de loyauté à l’égard de la famille, mais sans que cela soit réciproque : Logan licencie son proche collaborateur dévoué Franck Vernon au profit de son fils Roman et décide (avec d’autres) de faire porter le chapeau de l’affaire de harcèlement sexuel à Bill Lockheart, retraité de Waystar, mais toujours grand soutien des Roy.

Comme Dallas ou d’autres séries plus récentes à l’instar de House of Cards (Beau Willimon) et Mr. Robot (Sam Esmail), Succession associe le pouvoir à la masculinité blanche, et ce, même si la seconde saison fait la part belle aux femmes puissantes. Outre le fait que ces dernières sont mises en scène comme minoritaires dans un milieu d’hommes, elles sont caractérisées par des traits traditionnellement masculins : carriéristes, intelligentes, manipulatrices et sans enfant. Les représentations de genre dans Succession réactivent un discours dominant qui repose sur une différenciation de classe et qui oppose carrière et maternité, comme on l’observe aussi dans d’autres séries avec, par exemple, les personnages de Wilhelmina Slater dans Ugly Betty (Silvio Horta et Salma Hayek), Claire Underwood dans House of Cards et Diane Lockhart dans The Good Wife/The Good Fight (Robert et Michelle King). Dans Succession, seules les femmes qui ne participent pas à l’exercice du pouvoir – tout en étant de classe supérieure – sont caractérisées par le care et la maternité. Dans cette série, le pouvoir économique, culturel et politique est détenu par un tout petit groupe de personnes blanches d’un cynisme sans failles, alors que leur entourage semble victime de ses manigances, ce qui est discutable, étant donné que le maintien de l’hégémonie culturelle et économique des élites néolibérales engage, en fait, la complicité de milliers de personnes qui s’allient pour défendre leurs intérêts, et non celui de quelques individus cherchant « à dominer le monde ».


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[1Les Hamptons sont un lieu de villégiature très huppé qui se trouve sur la côte dans l’État de New-York.

[2Beverley Skeggs montre que les individus et groupes réputés comme « respectables » sont ceux qui se soumettent aux conventions morales des classes moyennes. Beverley Skeggs (2004). Class, Self, Culture, Londres, New York, Routledge. Voir aussi : Beverley Skeggs (2015). Des femmes respectables. Classe et genre en milieu populaire, Marseille, Agone Traduit de l’anglais et postfacé par Marie-Pierre Pouly, préface d’Anne-Marie Devreux).