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Guillaume Senez / 2018

Nos batailles


>> Geneviève Sellier / mardi 16 octobre 2018


Une famille de la petite classe moyenne, lui est contremaître dans une entreprise de vente en ligne, et subit les méthodes de management qui font la réputation d’Amazon, elle est vendeuse dans une boutique de fringues et s’occupe de leurs deux enfants de 6 et 8 ans, son mari étant très absorbé par ses activités syndicales. On comprend vite qu’elle est au bord du burn out, et, 10 minutes après le début du film, elle disparaît sans laisser d’explication, de la vie de sa famille et du film.

Les critiques ont souligné la description très juste de la vie quotidienne et des relations de travail, les qualités de la mise en scène et de la direction d’acteurs : tous les dialogues sont improvisés – ce qui les rend quelquefois inaudibles…–, Romain Duris porte le film sur ses épaules, la caméra le suit constamment, le plus souvent en gros plan, et ses partenaires féminines (sa mère incarnée par Dominique Valadié, sa sœur par Laetitia Dosch, sa collègue par Laure Calamy) sont à la hauteur.

Le problème que pose ce film, c’est que le phénomène social qu’il décrit, – un homme obligé de se débrouiller seul avec ses deux enfants après que sa femme l’a quitté –, est une situation infiniment plus rare que l’inverse, qui serait sans doute moins pittoresque car tellement plus banal. De plus, le regard du cinéaste est en totale empathie avec son personnage, un homme syndicalement engagé, constamment attentif à ses collègues de travail. Le fait que sa femme a sans doute « craqué » parce qu’elle était constamment seule en charge des enfants, comme c’est encore le cas dans la plupart des milieux, est effacé par le spectacle de la détresse d’Olivier, de son incompréhension, et de la manière tellement émouvante et courageuse dont il relève le défi de son absence, sans pour autant abandonner ses responsabilités syndicales. Dans ce film, seules les femmes craquent, non seulement l’épouse, mais aussi la collègue chez qui il va chercher du réconfort un soir, et qui lui annonce un peu plus tard qu’elle abandonne le syndicat parce qu’elle n’en peut plus (alors qu’elle vit seule).

Comme l’a dit un critique, Olivier-Romain Duris, c’est un « père courage » ! La présence chaleureuse de la mère et de la sœur concourt à donner de lui une image positive. Elles ne le jugent pas, elles lui viennent en aide et il leur marque sa reconnaissance.

À la fin, plutôt que d’accepter une promotion bien payée dans les ressources humaines (alors qu’il n’arrive plus à joindre les deux bouts), il part à Toulouse prendre un poste de permanent syndical. Et, cerise sur le gâteau, il fait voter ses deux enfants sur cette décision – on ne comprend d’ailleurs pas pourquoi la plus jeune vote le départ comme son père, alors que les deux enfants viennent de fuguer pour retrouver leur mère, par crainte qu’elle ne les retrouve pas s’ils quittent leur maison.

Sur un mode moins dramatique, Nos batailles fait penser à Manchester by the sea, où l’on retrouve cette même déploration des souffrances masculines.

On aimerait que la situation inverse, tellement plus représentative de la réalité sociale, soit traitée avec le même sérieux et la même empathie, mais il semble que dans ce cas, le ton adopté soit plus souvent celui de la comédie, comme dans La Bataille de Solférino ou Victoria


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