pour une critique féministe des productions audiovisuelles

♀ le genre & l’écran ♂


Accueil > Archives > Année 2018 > Mme Mills, une voisine si parfaite

Sophie Marceau / 2018

Mme Mills, une voisine si parfaite


>> Ginette Vincendeau / mercredi 28 mars 2018


Sophie Marceau est l’une de nos stars les plus populaires. Relativement peu connue à l’étranger (malgré un passage réussi en Bond Girl en 1999) et ignorée de la critique cinéphile, elle n’est rien moins, dans les médias, que « notre Sophie », voire « notre Sophie nationale ».

Le public l’a vue grandir de l’ado de La Boom en 1980 à la maman cool de LOL en 2008, tandis que la presse people suivait ses joies familiales et déboires sentimentaux dans leurs moindres détails. Dans la foulée de LOL, alors qu’elle atteignait la quarantaine et plus, elle a enchaîné une série de comédies romantiques à succès, du type De l’autre côté du lit (2008) et Un bonheur n’arrive jamais seul (2012). Il était sans doute inévitable que cette star des comédies feel-good à la française ait envie de faire autre chose. Sophie Marceau s’est donc lancée de temps en temps dans des genres radicalement différents de ce que son public attendait. Jadis ce furent les films érotico-violents de son mari Andrzej Zulawski (par exemple L’Amour braque en 1985) ; plus récemment le drame social La Taularde (2015), un film honorable mais qui s’est planté au box-office (https://www.genre-ecran.net/?La-taularde). Elle est aussi, comme beaucoup de stars, passée à la mise-en-scène, mais sans grand succès, une tendance à laquelle Mme Mills, une voisine si parfaite, son troisième film en tant que réalisatrice, ne déroge pas.

Avec le chevronné Pierre Richard et Sophie Marceau au générique, on aurait pu s’attendre à ce que ce thriller comique pimenté de travesti (Pierre Richard « est » Mme Mills) soit plus dans les cordes de Marceau réalisatrice. Hélas, ratage total : les personnages n’ont aucune crédibilité, l’intrigue criminelle (une histoire de trafic d’objets d’art) ne tient pas debout mais surtout – ce qui est pire – on ne rit pas. Passons sur Pierre Richard en arrière-grand-mère version 16e arrondissement, faux Chanel et faux accent « américain » ; la vedette comique fait de son mieux, ce qui n’est déjà pas mal. Plus triste, mais finalement plus intéressant est le fait que Sophie Marceau n’a pas tiré les leçons de son propre succès.

Marceau interprète la directrice d’une maison d’éditions du type Harlequin en perte de vitesse, qui, afin de relancer son business menacé de rachat par un requin de la finance internationale, propose aux lecteurs (en fait surtout lectrices) le modèle « inspirant » de Mme Mills : un genre de littérature populaire à destination d’un public féminin est ainsi ridiculisé. L’image de star de Sophie Marceau repose sur trois aspects : son physique avantageux, ses origines modestes et les valeurs familiales : dans ses plus grands succès elle est soit fille, soit mère. Dans Mme Mills, une voisine si parfaite par contre elle interprète une célibataire un peu snob, stressée et assez désagréable, aux antipodes des adorables mamans qui savent rester sexy tout en combinant vie active et enfants – comme dans LOL, De l’autre côté du lit et Un bonheur n’arrive jamais seul.

Le personnage que Marceau incarne dans ces films est certes idéalisé, utopique même (les problèmes financiers n’entrant jamais dans l’équation), mais correspond à des schémas sociaux contemporains et de véritables aspirations de la part des femmes, dans des films d’ailleurs souvent réalisés par des femmes : LOLl par Lisa Azuelos, De l’autre côté du lit par Pascale Pouzadoux. De manière presque perverse, Mme Mills, une voisine si parfaite part dans une autre direction, qui n’est malheureusement ni comique, ni romantique.

Premièrement, le film tourne le dos au réalisme avec ses péripéties aussi abracadabrantes qu’ennuyeuses. Deuxièmement, il élimine la vision soft mais charmante de la famille traditionnelle qu’incarne Marceau d’habitude, sans pour cela la remplacer par une vision progressiste, le travesti de « Mme Mills » n’étant qu’un gag sans aucune fonction narrative ni idéologique. Enfin, les personnages interprétés par Marceau et Richard ne forment ni un couple romantique traditionnele, ni un couple de copines, nous privant ainsi des joies inhérentes à la comédie romantique. On ne peut qu’espérer que notre Sophie nationale revienne à un filon plus fructueux pour elle et pour les spectatrices.

>> générique

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.