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Hong Sang-Soo / 2017

Le jour d’après


>> Geneviève Sellier / mercredi 28 juin 2017

Ou pourquoi le cinéaste coréen Hong Sang-Soo n’est pas Rohmer, ni Garrel !


Je ne connais pas ce cinéaste coréen, et je suis allée voir Le Jour d’après sur la recommandation de Michel Bozon (merci Michel !). J’ai été impressionnée par le point de vue distancié que parvient à construire progressivement le cinéaste sur son personnage masculin, plus ou moins son alter ego si j’en crois les gazettes, un éditeur d’âge mûr dont le film a l’air au début d’épouser les soucis (sa femme jalouse le harcèle et sa petite amie, également son employée, a fini par le mépriser de ne pas vouloir choisir et l’a quitté). Le récit n’est pas vraiment linéaire au début, et j’ai eu un peu de mal à distinguer la petite amie de la nouvelle employée autour de laquelle se focalise la majeure partie du film. Heureusement la première a les cheveux courts et la seconde les cheveux longs (et j’ai fini par me rendre compte que la seconde était beaucoup plus jolie ! en fait c’est elle la star et la petite amie du réalisateur, dixit les mêmes gazettes…)

Et en effet, on comprend assez vite pourquoi Télérama (et j’imagine beaucoup d’autres périodiques) voit dans Hong Sang-Soo un émule de Rohmer : la simplicité du dispositif narratif et topographique et filmique (de longs plans fixes ou qui vont de l’un à l’autre des protagonistes en train de se parler), mais aussi la lâcheté amoureuse du protagoniste masculin, font penser irrésistiblement à Ma nuit chez Maud ou à L’Amour l’après-midi. Mais, au fur et à mesure que le film avance, Hong Sang-Soo prend une distance de plus en plus grande avec son personnage et la spectatrice, surtout si elle est féministe, s’aperçoit que ce type est aussi dragueur que lâche : ça ne lui pose visiblement aucun problème de séduire son employée, qui a la moitié de son âge (on sent qu’il est prêt à recommencer avec la nouvelle, mais les circonstances vont l’en empêcher), mais la manière dont il invoque l’existence de sa fille (qu’on ne verra jamais, et c’est très bien) par deux fois, pour ne pas quitter sa femme d’abord, et réintégrer le domicile conjugal ensuite, est sans vergogne !

À la fin du film, la focalisation du film s’est déplacée du protagoniste masculin vers celle qui par son regard tranquille mais impitoyable, a mis à nu ce don juan assez minable. C’est ce déplacement du regard qui fait la différence entre les films de Rohmer cités plus haut et ce film coréen. Il me semble que cette mise à nu progressive d’un comportement masculin très ordinaire, s’apparente à une déconstruction dont le cinéma français n’est pas capable : chez Rohmer, l’empathie avec le protagoniste masculin ne disparaît jamais complètement… et le regard des personnages féminins est rarement investi d’une telle lucidité.

La proximité de leur sortie en salle m’a fait penser aussi au dernier Garrel (voir critique ici même) comme l’exact opposé en termes de point de vue : chez Garrel, on s’attendrit sur le sort de ce pauvre prof de fac harcelé par ses étudiantes à son corps défendant, point de vue typiquement patriarcal qui vise à faire oublier la situation socialement dominante du protagoniste. Au contraire, Hong Sang-Soo décrit « objectivement » les relations sociales entre ses protagonistes, qui font que l’éditeur patron peut s’autoriser à coucher avec une jeune employée mais aussi à la licencier quand ça l’arrange. On aimerait trouver ce genre de lucidité dans le cinéma d’auteur masculin français !

>> générique

Polémiquons.

  • J’ai beaucoup aimé ce film noir et blanc unité de temps de lieu et d’action, situation universelle, ses très beaux portraits d’un homme et de trois femmes, sans pathos, d’une lucidité rare introuvable dans le cinéma français en effet comme le note cette critique. Et la "beaucoup plus jolie "termine le film avec la gaité de l’intelligence sans haine.
    Merci à Geneviève Sellier

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