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Jacques Bidou

Il était une fois la production


par Geneviève Sellier / lundi 18 octobre 2021

La production comme sport de combat

Jacques Bidou est producteur depuis 1987, avec Marianne Dumoulin depuis 1992, de 114 films (72 documentaires et 42 longs métrages de fiction) ; il raconte ses presque 40 ans de travail (on n’ose pas dire de carrière, tant son parcours est acrobatique) dans un petit ouvrage plein d’humour et d’anecdotes, qui donne une image rocambolesque (et quelque fois désespérante) de ce métier, quand il est pratiqué par conviction et non pour gagner des sous… Conviction politique pour cet ancien communiste qui a dirigé pendant dix ans Unicité, la société de production du PCF… avant de se lancer dans une aventure collective sans filets, avec la création de JBA production, spécialisée dans les productions des « films du Sud ». Pendant près de 10 ans, il est en même temps formateur, avec la création des Ateliers Varan qu’il préside, pour permettre à des « damnés de la terre » (ceux qu’on appelait le Tiers Monde) d’apprendre la réalisation.

35 ans plus tard, le palmarès est impressionnant : Rithy Panh, Merzak Allouache, Raoul Peck, Maria de Meideros, Patricio Guzman, Annemarie Jacir, Pablo Agüero, Tsai Ming-liang, Alice Rohrwacher, Massoud Bakhshi, pour ne citer que les plus connus… Mais ce sont le plus souvent les premiers films que JBA a produit, avec ce que cela suppose de difficultés et de paris sur l’avenir…

Ce que raconte ce petit livre, sous la forme d’un feuilleton plein de rebondissements (dont certains sont un peu cauchemardesques), c’est l’histoire de la production d’un film, depuis les premiers contacts avec le/la cinéaste, jusqu’à la sortie du film et la dépossession toujours douloureuse pour le producteur. Servira de fil conducteur Yalda, la nuit du pardon (2020), de l’Iranien Massoud Bakhshi, – dont JBA avait produit le premier film, Une famille respectable, sorti en 2012 – et sa production particulièrement agitée : six ans de travail pour ce film tourné en Iran pendant la pire période des sanctions contre le régime des mollahs (l’ère Trump).

Mais Bidou fait constamment des pas de côté pour se souvenir d’autres productions presque aussi compliquées (Les Gens de la rizière, Rithy Panh, 1993 ; Capitaines d’avril, Maria de Meideros, 2000 ; Lumumba, Raoul Peck, 1999 ; Eva ne dort pas, Pablo Agüero, 2015 ; Visage, Tsai Ming-liang, 2009 ; Corpo celeste, Alice Rohwacher, 2011).

En lisant le récit des innombrables chausse-trappes, abandons, retournements de veste dont JBA est victime, on est partagé entre le rire et le désespoir, et on se dit qu’il faut une fameuse énergie et un goût du risque assez rare, pour choisir ce métier et y perdurer…

Mais ce que raconte aussi d’inquiétant ce petit livre, c’est la difficulté de plus en plus grande pour trouver le financement de ce type de film (le budget des films produits par JBA dépasse pourtant rarement un million d’euros, et se place dans le bas de la fourchette des films produits en France – en 2019 le devis moyen d’un film d’initiative française est de 3,76 millions d’euros ; le devis médian est de 2,35 millions.

Alors que Bidou parvenait à produire ses premiers films avec l’apport de Channel 4, Arte et/ou ZDF, il doit aujourd’hui faire appel à 7 ou 8 partenaires venant de 5 ou 6 pays différents, ce qui complique d’autant la suite des opérations… et la structure JBA qui a salarié jusqu’à 9 personnes, ne tient plus que sur le duo Bidou/Dumoulin. Malgré ses 38 sélections dans des festivals de haut niveau (dont 21 sélections à Cannes), la fragilité de JBA Production s’est accentuée. A rebours des facilités du cinéma d’auteur en chambre, ce que défendent Bidou et Dumoulin, c’est un cinéma dont les enjeux politiques sont à la hauteur des enjeux esthétiques : autant dire une utopie aujourd’hui…

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