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Sarah Williams

Flesh and Blood


>> Geneviève Sellier / mercredi 25 novembre 2020

Famille, je vous hais !


"Helen, Jake et Natalie sont très troublés lorsque leur mère, Vivien, veuve depuis peu, leur révèle qu’elle est amoureuse. L’annonce fait l’effet d’une bombe, d’autant que Mark, chirurgien à la retraite, semble mettre de la distance entre elle et ses enfants. Des années de rancunes longtemps enfouies, de rivalités et de trahisons refont alors surface et menacent de détruire les liens entre les membres de la tribu."

Cette présentation de Flesh and Blood qu’on trouve sur Allociné, ne rend pas compte du fait que la série est principalement focalisée sur les personnages féminins : la mère d’abord, Vivien (Francesca Annis), une femme de 70 ans (l’actrice en a 75 au moment du tournage), qui s’épanouit dans une rencontre amoureuse avec un homme de son âge : cette situation est suffisamment rare dans la fiction française pour être soulignée…

Ses deux filles ensuite : la blonde Helen (Claudie Blakley), cadre dans l’administration hospitalière, en charge de la « rationalisation » (c’est-à-dire des licenciements), ce qu’elle fait sans beaucoup de scrupules, et en s’investissant dans son travail au détriment de sa famille : son mari « au foyer » qui rénove leur maison et sa fille adolescente ; sa sœur, la brune Natalie (Lydia Leonard), secrétaire de direction d’un homme avec qui elle a une liaison depuis cinq ans et qui lui promet qu’il va quitter sa femme et ses deux filles pour vivre avec elle. Enfin Mary (Imelda Staunton), leur voisine depuis 40 ans, qui leur a servi de nounou après la mort brutale de son bébé et le départ de son mari. Les deux maisons sont mitoyennes et donnent sur une plage près des falaises typiques de la région de Douvres.
La distribution masculine est minoritaire : Jake (Russel Tovey), le frère d’Helen et Nathalie, coach sportif et plus si affinités, père de deux enfants, vient d’être quitté par sa femme quand elle a découvert qu’il avait englouti toutes leurs économies du fait de son addiction au jeu…

Mark (Stephen Rea), le nouvel amoureux de Vivien, chirurgien à la retraite, est immédiatement suspect aux yeux des enfants qui ne comprennent pas que leur mère se « console » si rapidement de son veuvage, malgré la révélation qu’elle leur fait de l’infidélité de leur père. Mais leur méfiance grandira au fur et à mesure que Mark témoigne du sérieux de ses intentions, jusqu’à organiser leur mariage éclair à Gibraltar, mettant les enfants de Vivien devant le fait accompli. Ils le soupçonnent d’en avoir après les économies de leur mère.

Si les personnages féminins sont importants, ils sont tous fragilisés par le déroulement du récit : Vivien est de plus en plus tiraillée entre le bonheur de cette rencontre amoureuse et les réactions hostiles de ces enfants ; Helen paye sa réussite professionnelle de la ruine de son couple et elle finira aussi par perdre son boulot : double peine ! Quant à Natalie, elle invente une grossesse pour forcer son amant à s’engager vis-à-vis d’elle, en vain ; enfin, Mary se trouve bien mal remerciée de son dévouement, quand Vivien décide de vendre sa maison sans la consulter, ce qui la renverrait à une solitude insupportable…

Le monde construit par cette série, qu’on pourrait définir sociologiquement comme celui des classes moyennes supérieures, sans que les conditions matérielles d’existence des personnages aient vraiment de l’importance, se caractérise par des relations humaines basées sur le mensonge et l’illusion : la famille stable et chaleureuse à laquelle les trois jeunes adultes semblent fortement attachés, se révèle une apparence : les quatre épisodes forment une succession de révélations qui la détruisent.

En revanche, la relation entre Vivien et Mark, dont le caractère suspect pour les enfants de Vivien est au cœur de l’histoire et que divers indices ne cessent d’alimenter, se révèlera la seule à résister… en vain, comme on le verra.
La relation apparemment la plus inoffensive, celle de la voisine, une « petite vieille » à qui on donnerait le bon dieu sans confession, se révèlera la plus toxique…
Cette volonté systématique de débusquer le machiavel (réel ou supposé) qui sommeille en chacun des personnages, donne à la série une dimension manipulatoire qui devient gênante, à force…

On peut regretter que la relation amoureuse entre un homme et une femme de 70 ans soit constamment hypothéquée par la suspicion des enfants envers cet homme qui vient leur « prendre » leur mère, qu’ils pensaient éternellement à leur disposition. Tout le « suspense » de la série repose sur la façon dont le récit fait partager au public les soupçons des enfants, si bien que, malgré la fin qui les infirme, on reste sur l’idée que l’intérêt d’un homme d’âge mûr pour une femme de son âge est suspect… Dommage ! On se souvient avec nostalgie du personnage de Maria Pacôme dans La Crise de Coline Serreau qui revendiquait tranquillement le droit d’être amoureuse après s’être consacrée pendant 30 ans à son mari et ses deux enfants.
Le dernier plan confirme la dimension manipulatrice de Flesh and Blood : Mark qui a été victime d’un « accident » (il est passé par-dessus la balustrade en se battant avec Jake), sort du coma, au moment où l’inspecteur clôt le dossier par un non-lieu.


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