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Pablo Berger / 2018

Abracadabra


>> Geneviève Sellier / lundi 9 avril 2018


Voici un film sympathique et drôle, bien qu’en partie raté.

Le sujet en est très clairement le machisme et la difficulté des femmes espagnoles à se défendre contre la violence de leur mari dans son expression la plus quotidienne et la plus banale : les premières scènes du film, dans le foyer de Carmen, décrivent cette réalité avec une efficacité remarquable : Carlos, le mari, regarde un match de foot à la télé pendant que sa femme Carmen et leur fille adolescente, Toni, se préparent pour aller au mariage du neveu de Carmen. Quand celle-ci vient faire admirer sa tenue à son mari, elle n’obtient même pas qu’il détourne son regard de l’écran de télévision, et ils arrivent en retard à la bénédiction nuptiale à cause de lui.

Au cours du repas, un cousin de Carmen, hypnotiseur amateur, tente d’endormir Carlos qui s’est porté volontaire pour ridiculiser le cousin, par jalousie – comme tout bon macho, il est aussi indifférent à sa femme que jaloux des autres hommes qui la regardent –, ce qu’il semble être parvenu à faire, sauf que, le lendemain matin, il change complètement de personnalité et devient le mari idéal qui apporte à sa femme son petit déjeuner au lit, passe l’aspirateur, débarrasse, fait la vaisselle et aide sa fille à réviser ses devoirs.

Très inquiète ( ! ), Carmen contacte son cousin pour essayer de comprendre ce qui a pu se passer, et le film nous entraîne dans une course folle pour retrouver le « fantôme » qui s’est glissé dans le corps du mari, et faire cesser le sortilège. Cette partie du film est la moins convaincante, dans la mesure où le fantôme en question se révèle être un tueur psychopathe dont on ne voit pas bien comment il peut correspondre à l’homme doux qui a « remplacé » Carlos.

Quelques séquences drolatiques autour d’un chimpanzé imaginaire qui poursuit Carlos de sa vindicte, n’ajoutent pas vraiment à la cohérence du film, mais le propos général est à la fois pathétique et jubilatoire : les tentatives désespérées de Carmen pour retrouver son affreux macho de mari au lieu du type délicieux qui non seulement assume les tâches ménagères et l’éducation de la fille mais en plus la fait danser comme un dieu, sont censées symboliser « l’aliénation » des femmes à la domination patriarcale… Ce qu’il pourrait y avoir de condescendant dans cette démonstration est racheté par la fin qui voit Carmen se libérer à la fois du macho et de l’homme idéal pour partir seule, sous la pluie, comme pour une nouvelle naissance sans homme…

Le charme du film est aussi dans son esthétique « populaire » assumée, faite de couleurs vives et de maquillages outranciers, à l’opposé du noir et blanc « distingué » et muet de son film précédent, Blancanieves… (mais c’est la même actrice au jeu expressionniste qui jouait la belle-mère criminelle de l’héroïne dans le précédent). Dans Abracadabra, l’antagoniste de l’héroïne n’est plus une belle-mère abusive mais un mari violent, ce qui a le mérite de désigner le vrai coupable des souffrances des femmes : la domination masculine !

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