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Patricia Mazuy / 2024

La Prisonnière de Bordeaux


par Geneviève Sellier / lundi 16 septembre 2024

Une rencontre peu crédible entre deux femmes de milieu social opposé

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Deux ans après Bowling Saturne, un film violent sur la rivalité de deux frères autour de la gérance d’une boite de nuit dont ils héritent de leur père, qui est un échec critique et public, Patricia Mazuy reprend un projet de Pierre Courrège et François Bégaudeau, un film social sur les maisons d’accueil et les parloirs où se rencontrent les détenus et leurs familles.

Le scénario de Patricia Mazuy auquel François Bégaudeau a collaboré, se focalise sur deux personnages féminins opposés en termes de classe, de « race » et d’âge, qui se rencontrent au parloir de la prison de Bordeaux où elles rendent visite chaque semaine à leur mari.

Celui de la bourgeoise Alma (Isabelle Huppert) est un chirurgien connu qui purge six ans de prison pour avoir écrasé deux piétonnes en sortant d’un congrès trop arrosé. Le mari de la prolétaire racisée Mina (Hafsia Herzi), mère de deux enfants, est condamné pour le cambriolage d’une bijouterie qui a mal tourné, l’un de ses complices étant mort.

On ne fera qu’entrevoir les deux hommes, le premier est un coureur invétéré qui fait preuve d’un cynisme tranquille, le second est un loser que ses anciens complices soupçonnent d’avoir caché le butin du cambriolage.

La rencontre des deux femmes au parloir de la prison se fait à l’initiative d’Alma qui propose à Mina de l’héberger après avoir assisté à la crise que fait la jeune femme quand on lui apprend qu’elle s’est trompée de jour et qu’elle doit revenir le lendemain si elle veut voir son mari. Elle habite Narbonne et Alma habite un bel hôtel particulier à Bordeaux. Mina d’abord incrédule, finit par accepter le dîner, la chambre pour la nuit, puis de venir habiter chez Alma qui se fait fort de lui trouver du travail dans la clinique de son mari.

Elle débarque donc avec ses deux enfants, et la cohabitation se passe plutôt bien, jusqu’à ce que Mina, acculée par l’ancien complice de son mari, organise le vol d’un tableau dont Alma lui a dit qu’il avait une grande valeur.

On sent que la réalisatrice a voulu éviter les pièges de ce genre de scénario, en particulier le stéréotype de la cohabitation qui tourne mal du fait des différences de classe. Mais le résultat est que l’histoire paraît constamment hors sol. Tout repose sur la performance de deux actrices, qui ne diffère pas de ce qu’on connaît déjà d’elles, Isabelle Huppert en grande bourgeoise frustrée avec un grain de folie (elle a abandonné la danse pour s’occuper d’un mari qui va voir ailleurs), Hafsia Herzi en jeune mère prolétaire (elle travaille dans un pressing puis dans une blanchisserie d’hôpital), accablée par les responsabilités, gérant comme elle peut les « dérapages » de son mari. Mais on ne voit quasiment rien du milieu ni de l’une ni de l’autre. La plupart des scènes se passe dans la grande maison bourgeoise d’Alma, encombrée d’œuvres d’art, où évoluent les deux femmes, les deux enfants de Mina et la femme de ménage slovaque…

On a peine à croire que cette histoire est « une métaphore de la libération de deux femmes enfermées », selon les déclarations de la réalisatrice, d’autant plus que, sans doute pour échapper au stéréotype Thelma et Louise, les deux femmes finissent par partir chacune de leur côté : Mina sommée de quitter la villa quand Alma découvre le vol du tableau, prend ses valises et ses gosses pour se retrouver dans le parloir de la prison ; quant à Alma, elle cambriole à son tour sa propre maison et fuit avec tous les tableaux qu’elle a consciencieusement décrochés et emballés, dans le camion qu’elle a loué. Pour où ? mystère !

Le film ne parvient pas à décoller faute sans doute d’un réel travail documentaire sur ce que vivent les femmes condamnées à visiter leur conjoint détenu, souvent loin de chez elles.
Ajoutons que la participation de François Bégaudeau au scénario de ce film rend largement dérisoires les velléités féministes du film. J’avais naguère épinglé son arrogance à propos d’un de ses textes intitulé « Les rêveries du cinéphile féministe » paru en juin 2017 dans la revue Transfuge, où il témoignait de son ignorance crasse dans le domaine du féminisme tout en faisant la leçon aux féministes, comportement typique d’une certaine « extrême-gauche » française. Depuis il a confirmé son arrogance machiste en postant en 2020 sur son site un commentaire grossièrement insultant pour l’historienne Ludivine Bantigny. Poursuivi en diffamation, il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris, qui estimait pourtant qu’il avait tenu à l’encontre de l’historienne Ludivine Bantigny des propos « indéniablement empreints de sexisme. » On peut légitimement s’interroger sur ce jugement de Salomon… Une fois de plus en France, le sexisme, contrairement au racisme, n’est pas considéré comme un délit.


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Polémiquons.

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