pour une critique féministe des productions audiovisuelles

♀ le genre & l’écran ♂


Accueil > Archives > Année 2016 > Elle

Paul Verhoeven / 2016

Elle


>> Ginette Vincendeau / mardi 22 novembre 2016


Film germano-français réalisé par Paul Verhoeven, adaptation du roman « Oh... » de Philippe Djian.


« La plus dangereuse, Michèle, c’est tout de même toi » [1]

Les critiques français ont adoré Elle (réalisé par Paul Verhoeven), les spectateurs en salles et les internautes un peu moins : les résultats au box-office de 555.000 spectateurs ne sont pas extraordinaires pour un film au budget de 8.2M€ (le double du budget moyen d’un film français), une grande star (Isabelle Huppert) et une campagne publicitaire en rapport.

Le consensus critique [2] est frappant : Elle est du « grand cinéma », « sulfureux », d’une virtuosité « emballante », un film « passionnant, magnifique, grandiose », un chef d’œuvre d’ambigüité (« on ne sait plus très bien qui sadise qui »), une œuvre « au-delà du féminisme ». Delphine Aslan, une des rarissimes critiques à attaquer le film, intitule son article sur le Huffington Post  : « Elle fait bander les critiques, il est à gerber » – une opinion que je partage. Elle souscrit à la culture du viol selon laquelle les femmes au fond ne demandent que ça et montre que « le patriarcat reste un système malin, sournois, et encore très performant en 2016, qui permet à la misogynie la plus crasse d’être intériorisée par les femmes ».

Le film débute sur le viol brutal de Michèle (Huppert) par un homme masqué. Elle comprend vite que le violeur est son gentil voisin Patrick (Laurent Laffite), mais au lieu de le signaler à la police, elle se masturbe en le regardant dans son jardin avec des jumelles, l’invite à son dîner de Noël (où elle le caresse avec son pied sous la table), l’appelle au secours quand elle a un accident, accepte son invitation à dîner puis à descendre dans sa cave pour se faire tabasser et violer à nouveau. A la fin elle lui dit qu’elle a l’intention d’appeler la police, mais elle détourne la tête pour sourire. C’est encore un jeu, pour qu’il revienne l’attaquer, ce qu’il fait sauvagement. Seule l’intervention de son fils Vincent (Jonas Bloquet) lui sauve la vie. On voit donc que l’interprétation copieusement relayée par la presse selon laquelle Elle serait un film qui montre une femme qui « se venge » de son violeur ne tient pas debout. De même, si Michèle survit au violeur, elle n’est pas la « final girl » triomphale dont parle la chercheuse américaine Carol Clover dans son livre Men, Women and Chainsaws sur le film d’horreur américain, puisqu’elle ne survit que grâce à son fils.

Oui, je sais : Elle est un film de genre qui joue sur les codes du thriller pour créer le suspense (Michèle rentre seule dans sa maison plongée dans le noir, etc.), il a un côté volontairement « trash » et il cite le cinéma français « extrême » dans lequel Huppert excelle. Oui, le film se veut allégorique en s’appelant Elle et nous sommes censés y déceler un discours sur « l’humanité » (argument d’Iris Brey sur le blog Le Deuxième Regard). Fille d’un monstre (son père est un serial killer), Michèle est un monstre. Mais dans sa présentation genrée de ce monstre, le film de Verhoeven reste d’une misogynie confondante. Contrairement à ce qu’affirme Pascal Mérigeau dans L’Obs, le fait que Michèle sollicite la violence contre elle ne signifie pas qu’elle « affronte ses propres fantasmes », mais plus banalement qu’elle incarne les fantasmes de deux hommes sur les femmes violées (Philippe Djian, auteur du roman et Verhoeven). La fin a beau montrer Michèle et sa collègue Anna (Anne Consigny) bras dessus, bras dessous, débarrassées de leurs hommes, les rapports entre les femmes sont tous conflictuels, lieu commun de la misogynie : Michèle couche avec le mari d’Anna (sa « meilleure amie »), blesse volontairement la compagne de son ex-mari et est cruelle envers sa mère.

Michèle dirige, avec Anna, une société de jeux vidéos qui mettent en scène des fantasmes de viol, fabriqués par une équipe presqu’entièrement masculine (on aperçoit deux jeunes femmes mais elles ne parlent jamais). Riche et talentueuse, Michèle humilie son ex-mari, son fils et sa mère avec son argent et agresse ses collaborateurs (elle aime que les hommes, littéralement, se déculottent dans son bureau). Elle fait donc partie de ces films (et ils sont nombreux) qui visent surtout à punir la femme de pouvoir, montrée inlassablement comme « castratrice ».

Un internaute fait remarquer judicieusement que « le seul mystère [soulevé par Elle], ce sont les motivations des critiques de presse dithyrambiques ». Outre la misogynie, j’avancerai un autre élément. Verhoeven voulait tourner son film aux États-Unis mais n’a apparemment trouvé aucune grande actrice américaine prête à incarner le personnage – un fait qu’il présente comme typique du « puritanisme » américain, contrairement à la « liberté d’esprit » des Français et au « courage » d’Isabelle Huppert, vision reprise unanimement par la critique. Voilà donc la réponse : Elle ou l’exception française.


>> le générique

Polémiquons.

  • C’est en effet un mystère total : comment peut-on trouver une qualité quelconque à ce film mal mené, bâclé, sans aucune nuance, ni finesse à quelque niveau que ce soit, sans parler de l’invraisemblance, l’absence totale de suspense. On se demande à la sortie comment une grande actrice comme Isabelle Hupert a pu accepter de jouer dans ce navet. La seule conclusion que j’en ai tiré c’est que plus jamais je n’irai voir un film juste parce qu’elle est à l’affiche...

  • Je ne défendrai pas becs et ongles le hollandais volant d’un pays à l’autre, ici à la réalisation, dont les réussites sont inégales et que l’on ne peut pas, certes, qualifier de grand progressiste ni d’épris de finesse. Mais il me semble que vous passez un peu vite sur son principal point fort : son ambiguïté. Même si certains aspects peuvent laisser croire à une apologie de la culture du viol, l’héroïne reste bien troublée par les événements qu’elle subit, au-delà du trauma monstrueux de son enfance. Cela remet assez largement en cause cette supposée complaisance envers une violence masculine dominatrice.

    C’est d’ailleurs une constante dans l’œuvre de Verhoeven depuis ses toutes premières œuvres : ses personnages principaux sont presque exclusivement des femmes, et celles-ci subissent presque toujours affres et tortures de leurs partenaires masculins. Il y a certainement une bonne part de misogynie et d’assouvissement de fantasmes viriles, surtout par ce « trash », appuyé à l’écran, des sévices qu’ils leur font subir. Mais il y a une réflexion de fond sur la position des femmes dans les sociétés occidentales que peu d’autres réalisateurs, surtout hommes, ont tracé.

    Enfin, quant au fait que les jeux soient « fabriqués par une équipe presque entièrement masculine », n’est-ce pas là une banale réalité de l’informatique à notre époque ?

  • Ginette Vincendeau’s analysis is correct. This is male fantasy.

    No woman wants to be raped and battered. The film suggests that we are all gagging to be brutalised.

    Elle is driven by misogyny. Huppert’s performance is intended to offer respectable aesthetic values but she does herself no service by playing the stereotype/modern bitch/intellectual/feminist.

    Huppert’s character is that of a daughter of a serial killer, therefore she is a sexual monster. She hates her mother’s sexuality and is cruel to her as she lies dying. She betrays her friend by sleeping with her husband. She masturbates while watching her rapist in the street. What kind of male fantasy is this ?

    The narrative is such a cliché. A tired rendition of the Virgin/Whore trope. Thematically we are in the world of sado-masochism and Catholic iconography where sexual women deserve a good thrashing and enjoy it.

    This is French porn masquerading as art.

  • ’Mauvais genre’ fait remarquer que les personnages principaux chez Verhoeven sont des femmes, ce qui est exact et en fait c’est ce qui rend les films a priori intéressants pour les féministes, mais cela n’en fait pas hélas des films féministes.
    La question de l’ambigüité m’interpelle plus, mais pour moi le travail du/de la critique est justement de tenter de percer cette fameuse ambigüité - et c’est pour cela que j’ai offert mon interprétation. Franchement j’ai du mal à accepter Verhoeven et Djian comme des auteurs qui défendent la cause des femmes, voire qui explorent les ’fantasmes’ des femmes - des fantasmes féminins qui comme par hasard servent toujours la cause de la domination masculine. Lorsque Verhoeven a présenté son film au festival de Londres en novembre dernier, et dans plusieurs interviews, il a fait valoir que c’était sa fille qui lui avait suggéré de changer le roman et de faire de Michèle la directrice d’une maison de jeux vidéos (au lieu de travailler dans le cinéma) - trouver un alibi féminin pour justifier une position misogyne : voilà un grand classique !

    Enfin je fais remarquer que l’équipe de la maison de jeux vidéos est presqu’entièrement masculine pour pointer le fait qu’il y a deux femmes mais que, là encore ’par hasard’ elles ne parlent jamais.
    En dernière analyse c’est quand même un film sur une femme qui jouit de la punition et de la violence et en redemande. Comme dit Julia Pascal, le récit fait appel à de bons vieux stéréotypes religieux, même s’ils sont déguisés sous une surface bo-bo chic auquel Isabelle Huppert ajoute son talent.

  • Votre angle d’attaque, ou point de vue sur le film est fort intéressant. Il est certain, effectivement, que nombre de stéréotypes du féminin et de "La Femme" comme personnage du récit phallocrate sont présents dans le film.
    On peut pourtant lire aussi autre chose dans le parcours du personnage. Il me semble qu’à chaque étape de la vie de ce personnage, vie qui est racontée en désordre, les épisodes anciens, et fondateurs, étant enchâssés dans le thriller hitchcockien de l’aventure avec le violeur bigot. Personnellement, je suis sorti du film avec le sentiment que ce personnage à chaque étape de son histoire se joue vitorieusement du patriarcat. Elle se refuse originellement au statut de victime, pourtant déroulé comme un tapis rouge, de son ogre de père. Ensuite elle mène sa vie personnelle et sa carrière dans le refus d’être marquée par le stigmate d’être la "fille de" cet abominable criminel, dans lequel on voit toute l’horreur de celui qui porte, chez les lacaniens, le "nom du père". Quand, en situation professionnelle, lui sont tendus les pièges machistes ordinaires, elle les retourne pour son seul plaisir. Et quand un violeur, sous la protection complice et hypocrite de sa bigote de femme, la fait rentrer dans son récit, elle inverse l’histoire, s’en fait l’auteure en tire tout le plaisir (qu’on peut juger pervers...) dont elle a envie, puis monte un guet-apens et prend le criminel machiste à son propre piège. Elle le liquide, manipulant au passage son propre fils (mais il pourra se prendre pour un sauveur...) et sans entrer dans le jeu d’une police mâle et phallocrate, dont elle a appris dès l’épisode de son enfance qu’elle n’a rien à attendre. Pour que les choses soient bien claires, elle se refuse de plus à des visites à son "père-malgré-tout" que sa conformiste phallocrate de mère voudrait lui voir faire, comme aussi aux rites de deuil pour cet ennemi de sexe... Vous avez peut-être raison de ne pas voir dans cette histoire une histoire "féministe", parce que le personnage n’a, délibérément, aucune action à signification collective, ou manifestant une quelquonque solidariteé de sexe ou de genre. Son action est strictement individuelle, indifférent à tout projet "exemplaire" ou "généralisable". C’est simplement elle-même, en tant qu’individu qui déjoue les pièges machistes qui lui sont tendues et tire de la vie - hélas telle qu’elle est - le plus de plaisir et d’amusement qu’elle peut. Son rapport au patriarcat n’est pas celui d’une "critique", ni d’une lutte sociale. Plutôt celui d’un mépris et d’un dépassement. Ce ne sont sans doute pas ces considérations qui ont motivé l’enthousiasme des critiques que vous fustigez... Mais elles me semblent pouvoir enrichir la lecture du film de Verhoeven, que votre débuscage de stéréotypes n’épuise pas.

  • En réponse à Olivier Chantraine, je ne prétends pas, bien entendu, ’épuiser’ le sens du film avec mon analyse. De toute évidence ELLE est un film qui divise profondément les spectateurs. C’est un film qui joue de l’ambiguité, tout en ayant à mon sens une signification précise, que j’ai indiquée dans ma critique, c’est-à-dire la haine de la femme qui a/exerce le pouvoir. L’ambiguité, si elle existe, est au niveau de la subjectivité du personnage interprété par Isabelle Huppert, puisque le film s’abstient (et pour cause, puisqu’elle est un fantasme masculin) de nous y donner accès. Au niveau du récit, j’ai du mal à voir comment elle ’prend le criminel machiste à son propre piège’ ou comment ’elle le liquide, manipulant au passage son propre fils’. Si l’on s’en tient à ce que le film nous montre, son fils arrive pour la sauver par hasard. Sans son intervention non seulement elle ne le liquiderait pas, mais c’est elle sans doute qui serait morte. On peut imaginer - interprétation véhiculée entre autres par Wikipedia - qu’elle a orchestré la fin en demandant à son fils d’intervenir, on peut le souhaiter, mais ce n’est pas ce qu’on voit à l’écran.

  • Merci de sa réponse à Ginette V.
    Je ne peux évidemment sur un point d’interprétation dire "c’est moi qui ai bien vu"... mais je suis surpris que vous n’ayez pas vu dans la fin des épisodes avec le violeur bigot le piège, ou la souricière, que j’y ai vu moi-même, comme aussi les personnes avec qui j’ai vu le film... et discuté à la sortie. L’audition de police me semble elle aussi à voir comme montrant la même chose, même si le policier est bien ennuyé de ne pas trouver de prise... Et la dernière rencontre avec la veuve est dans la même tonalité...
    Vous avez vu autrement... Je l’entends volontiers. Et il est vrai que dans votre version le film gagne en banalité et perd en pertinence.
    Cela ne change pas le fond de notre discussion. Votre lecture de ce film y voit une n’ième"punition des femmes de pouvoir", assignées à un rôle de castratrices. Il me semble qu’on peut plutôt y voir l’Odyssée d’un personnage de femme que le patriarcat et le machisme ne cessent de vouloir détruire, humilier, domestiquer à de nombreuses étapes : en qualité de fille-première victime du monstre, puis en qualité de fille de criminel-qui-est-quand-même-son-père, en qualité de femme sujette à la police des hommes, en qualité de patronne à qui on rappelle qu’elle n’est qu’une femelle, une proie comme les autres, en qualité de voisine confrontée à la prédation sexuelle d’un bourgeois catho, en qualité de femme dont on se demande si elle avait bien le droit de retourner les choses à son avantage, et si sa légitime défense n’était pas une usurpation de la justice officielle et mâle. Aucune fois elle ne tombe dans le comportement légitime assigné par la société machiste à la l’héroïne malheureuse qu’elle se refuse, constamment et avec beaucoup de dynamisme, à être... J’avoue ne pas voir en quoi il y a là de la mysogynie... S’il fallait évaluer ce film avec comme repère le bien ou le mal qu’il dit d’un sexe ou de l ’autre...Il me semble que ce sont surtout les personnages d’hommes qui y sont minables, veules, violents, vulgaires, peu intelligents, défensifs et en quête de pouvoir... "Les" femmes, à, l’exception de l’héroïne, ne sont pas fameuses, dont acte, mais à côté de la galerie de portraits masculins elles sont moins maltraitées... On pourrait donc voir le film comme misanthrope et surtout (ou plutôt) pessimiste sur les rapports humains en société de domination... Il ne montre pas de voie collective, et le personnage central se contente d’être une héroïne individualiste et libertaire n’en faisant qu’à sa tête et exploitant sans état d’âme toutes les ressources, l’argent compris, dont elle a su se doter... Ce point de vue politique du personnage n’a donc rien de révolutionnaire, ni de féministe mais au niveau du film ce qui est surtout mis en pièces c’est l’ordre machiste et patriarcal...

  • Bonjour,

    C’est la première fois que je réponds à l’auteure d’un article lu au gré de mes recherches matinales... J’espère que vous ne prendrez pas mal mon sentiment que je souhaite vous faire partager.
    Féministe dans l’âme mais impliquée dans aucune association ni groupe revendicatif quel qu’il soit, je suis plutôt une amoureuse de la comm et j’ai une énergie débordante qui me permet de répéter et de répéter
    inlassablement les mêmes choses, si il le faut, pour expliquer la valeur de l’être humain homme/femme/jeune/vieux/petit/gros...

    Je suis rapidement allée voir Elle au cinéma suite au visionnage de la bande annonce et à la prise de connaissance d’une certaine polémique naissante autour de ce film.

    La sentence : J’ai adoré ce film, je l’ai trouvé tordu, certes, mais où on y voit enfin une femme forte qui ne se démonte pas dans l’inacceptable et l’intolérable. Je m’explique, je crois que nous n’avons pas vu le même film... Vous dîtes qu’elle sait rapidement que le violeur est son voisin et se masturbe en le regardant.... Je ne suis pas d’accord.

    Personnellement j’ai vu une femme déjà extrêmement meurtrie par la vie qui une fois de plus à face à elle l’Horreur du viol à gérer... son choix, être forte certainement car elle n’a pas le choix car la police et les hommes et femmes qui l’entourent ne l’ont jamais aidé. Suite au viol j’ai vu une femme qui cherchait l’auteur du viol pour le dénoncer ou pour lui faire subir une vengeance personnelle car elle ne croit plus en l’autorité policière. Pendant sa quête, sa vie continue et par le plus grand des hasard elle commence à être attirée par son voisin... elle se masturbe, lui fait du pied, le convoite sans savoir à ce moment là que c’est lui l’auteur du viol.

    Lorsqu’il réapparait pour commettre un deuxième viol, elle se débat, le visage mis à découvert, elle voit le visage du monstre et le jette dehors.. quoi faire d’autre ? La peur au ventre certainement mais moins car il se sait pris, et elle a à ce moment là une carte à jouer de plus que lui.

    Suite à cette découverte, oui à partir de ce moment là, elle sait que c’est lui et là arrive le côté sombre de l’histoire entre désir naissant pour cet homme et dégout de ce qu’il a pu faire. A partir de ce moment je veux bien polémiquer sur cet état d’esprit où elle choisit de se laisser emporter par le désir plutôt que par la haine, je peux comprendre que ce soit trop "tordu" pour adhérer... mais avant cet épisode, je ne comprends pas pourquoi il y a cette incompréhension sur ce film.

    Je pense aller le revoir à des que j’en aurai l’occasion pour confirmer ce que j’y ai vu.

    Je souhaiterai avoir votre avis, vous que je ne connais pas mais que je devine certainement bcp plus érudit et au fait des polémiques et sous-entendus du film que je ne parviens peut être pas à voir.

    Pour être claire jusqu’au bout, si tenté que je doive le dire, le viol est bien sûr inacceptable et comme bcp de femmes j’ai aussi eu des déboires mais ça ne m’empêche pas de voir ce film d’un autre œil, j’admire cette femme qui à cause d’une vie très difficile s’est forgée un caractère combatif.

    Merci pour votre article et le temps que vous avez pris à me lire

    Milene

  • A Olivier Chantrain (7)
    Pour moi, la banalité du film n’est pas le résultat d’une lecture féministe mais celui de sa misogynie.

  • A Milene
    Je comprends que l’on s’attache au personnage de Michèle, femme meurtrie mais charismatique – surtout grâce au jeu comme toujours génial d’Isabelle Huppert.
    Moi aussi, la première fois que j’ai vu ELLE je pensais voir un film sur une femme qui se venge de son violeur (interprétation véhiculée par la bande annonce et plusieurs critiques) – d’où ma déception (et colère) puisque à aucun moment elle ne cherche à le dénoncer ou se venger, même après l’avoir reconnu. Comme vous dites, cette connaissance lui donne « une carte à jouer », mais justement elle ne la joue pas et au contraire provoque d’autres moments de viol et de violence.
    ELLE est un film de fiction et il n’est pas tenu de reproduire la réalité, mais tout de même ce soi-disant « fantasme » féminin que le film met en scène est bien éloigné à mon avis de l’expérience de la plupart des femmes (violées ou pas) et – un peu comme les films sur les femmes qui choisissent la prostitution librement et la pratiquent avec bonheur – c’est un choix « atypique » qui reproduit une fois de plus un schéma qui renforce l’oppression des femmes.

  • Et bien, j’ai trouvé ce film formidable car il explore une histoire et un personnage singulier.
    Rien, à mon sens ne peut être érigé comme général ou exemplaire dans ce caractère fémimin qu’est "elle".
    "Elle", c’est peut-être juste elle, celle-ci, cette femme-là et pas une autre.
    Ce n’est pas un film de lutte pour ou contre le féminisme, c’est une histoire complexe que l’on explore, et ça fait du bien d’aller par delà le bien et le mal (comme dirait d’aucun).

    Et tout de même Ginette Vincendau, losque l’on fait un résumé de film, il faut être précis dans le déroulement de la narration (Même si elle va moins servir votre propos). En effet, lorsque vous dites :"Elle comprend vite que le violeur est son gentil voisin Patrick (Laurent Laffite), mais au lieu de le signaler à la police, elle se masturbe en le regardant dans son jardin avec des jumelles, l’invite à son dîner de Noël (où elle le caresse avec son pied sous la table)" c’est totalement inexact ! Michèle ne sait pas à ce moment-là que l’homme qui l’a violé est cet homme là ! Forcément, si c’est ça que vous avez vu, je comprends que vous ne soyez pas réjouis !

    Ah, ça m’agaçe car je trouve qu’il est dommage de ne plus pouvoir examiner la complexité d’une situation, d’une histoire singulière au motif qu’elle ne serait pas politiquement correcte, à savoir, dans ce cas, qu’elle n’irait pas dans le sens de la cause des femmes. C’est du cinéma ! Il n’est pas nécessaire que les codes qui sont valides dans la vie le soient dans les fictions ! Peut-être que la fiction est le lieu où l’on peut explorer la complexité, les événements difficilement pensables. Je trouve que ne pas voir qu’il s’agit d’un personnage particulier dessert la cause du féminisme. Et féministe, je le suis et plutôt enragée !

    Et pour ma part, je pense que comprendre est plus important que tout, plus important que la morale.

  • Bien sûr chacun est libre de considérer que Michèle (protagoniste de ELLE) est un personnage qui n’existe que dans ce film et n’a aucune résonance à l’extérieur du film – mais je pense personnellement que si le film provoque de telles discussions c’est justement qu’il nous « parle » bien au-delà de ce cas de figure isolé – en l’occurrence les femmes et les violences contre elles.

    Quant au résumé, en effet j’ai comprimé plusieurs détails en raison du nombre limité de mots – cela dit on peut constater que Michèle ne change pas de comportement une fois qu’elle a la preuve tangible de l’identité du violeur, ce qui suggère qu’elle avait deviné avant ; par ailleurs les codes filmiques (jeu des regards de la caméra, aspect « trop beau pour être vrai » du personnage de Laurent Lafitte) visent aussi à donner cette impression. Comme le dit Pascal Mérigeau dans sa critique – par ailleurs élogieuse – du film : « Quant à l’identité du salopard qui, un soir, chez elle, a agressé et violé Michèle, elle ne fait très vite aucun doute aux yeux de qui a vu plus de cinq films dans sa vie. »

  • J’ai beaucoup de mal à comprendre la conclusion de votre article : "Elle ou l’exception française".

    La critique française est loin d’être isolée, puisque le film a été apprécié par de nombreux critiques un peu partout dans le monde, y compris des critiques femmes ne partageant pas votre analyse et ne trouvant pas le film misogyne.

    Cette dernière phrase me semble donc être en contradiction avec les faits, et avoir pour seul but de viser une cible habituelle, la méchante "critique cinéphile misogyne française mâle" (je ne crois pas caricaturer énormément...)

    • En ce qui concerne la réception de Elle, il est vrai que la critique dans le monde est favorable au film, du moins dans les écrits de langue anglaise. Il y a cependant des exceptions importantes, y compris dans des publications prestigieuses : voir la critique très négative du film par Richard Brody dans le New York Times (« The phony sexual transgressions of Paul Verhoeven’s Elle » http://www.newyorker.com/culture/richard-brody/the-phony-sexual-transgressions-of-paul-verhoevens-elle

      Par contre en France le consensus favorable (dithyrambique même) est particulièrement frappant. À mon avis, et c’était le sens de ma phrase à la fin de mon texte, un facteur important a été le désir de voir le film comme une illustration de « l’exception française » (comprendre la supériorité française), dans ce cas la France comme le pays de la « liberté d’esprit » (une grande star n’hésite pas à jouer des rôles « extrêmes ») contre le « puritanisme » américain, un phénomène que l’on a pu observer plus tôt au cours de l’affaire Dominique Strauss-Kahn.

  • J’ai une théorie sur ce film pour laquelle j’aimerai avoir votre avis. Le film s’appelle Elle. Appelons-le "Il" et échangeons le sexe de tous les personnages. Ensuite voyons ce que cela donne. "Il" serait patron d’un magasine féminin avec à son service une équipe de rédactrices devant faire des articles grotesques sur les femmes et leur désir. Le viol serait sans doute remplacé par une relation extra conjugale sado-maso avec la catho d’en face. La scène de masturbation dans ce sens serait beaucoup plus crédible. Enfin, tout cela pour dire qu’on est bien en face d’un film de mec juste déguisé en soi-disant film de femme. Mais la tromperie est troublante car elle a le don de brouiller nos codes de lecture et de jouer avec notre désir de voir une femme forte plutôt qu’une femme victime.

  • Isabelle Huppert interprète à merveille cette femme, engoncée dans son éthos bourgeois, mais déterminée à assouvir ses désirs. Michèle fait peser un vrai diktat à son entourage, sa mère dénigrée pour sa relation scandaleuse avec un homme plus jeune, son fils pour se soumettre à sa campagne et même ses collègues de travail. Michèle est une dominante qui est tombée sur un os. Elle a été soumise par son violeur, quelque chose qui apparait comme une incongruité dans son univers. C’est un peu la même chose dans Showgirls, sauf qu’on ne peut s’en rendre compte qu’à la fin.
    Dans Elle, l’histoire se complexifie et pose à Michèle de vrais challenges, jusqu’où était-elle prête à aller pour obtenir ce qu’elle veut ? Qu’est-elle prête à endurer ?
    Verhoeven évite les lourdeurs de Showgirls en plongeant complètement dans l’absurde et en dessinant un personnage plein de contradictions. Michèle est un petit bout de femme, capable de nous sortir les yeux de chien battu tout en menant son petit monde par le bout du nez. Les désirs mêmes de Michèle sont assez ridicules surtout ils sont systématiquement contrariés.
    Je me suis délecté de ce film dont j’ai tiré la conclusion, sans doute personnelle, que les dominants sont des gens ridicules et toujours contrariés, une morale qui me convient.

  • Quelques mois après l’affaire Weinstein et ses répercussions (y compris dans le cinéma français), on aurait pensé qu’il serait encore plus difficile de défendre ELLE et son traitement du personnage de femme violée et qui en redemande interprété par Isabelle Huppert, mais apparemment non. Si je comprends bien Raoule, il est normal qu’Elle endure une série de violences sexuelles, elle l’a bien mérité car elle fait partie des dominants qui sont “ridicules" et il est bien qu’ils soient "contrariés”. Cette analyse s’appliquerait-elle à un dominant masculin ? Je ne pense pas.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Partager



Rechercher




Photos




[1Réplique du film, dite par son mari Richard (Charles Berling)

[2Les citations sont extraites des critiques du film disponibles sur allocine.fr et de l’émission radiophonique La Dispute