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Hélène Merlin / 2025

Cassandre


par Geneviève Sellier / mardi 8 avril 2025

Un film autobiographique sur l'inceste d'un frère sur sa soeur.

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Avec un scénario très écrit et une mise en scène sophistiquée, Cassandre, premier long métrage autobiographique d’Hélène Merlin, tente de rendre compte de l’inceste d’un frère de quelques années plus âgé sur sa sœur adolescente.

Cassandre (Billie Blain) vit dans une famille dysfonctionnelle où le père (Eric Ruf) officier formé au Cadre noir de Saumur, exerce une autorité sans failles, tandis que la mère (Zabou Breitman), soixante-huitarde devenue mère au foyer, impose à toute la maisonnée une promiscuité sexuelle qui forme le terreau de l’inceste. Après un prologue en super 8 où la protagoniste raconte son enfance, on la retrouve à 14 ans, en vacances après l’année scolaire passée dans un pensionnat militaire ; elle retrouve son frère, de 4 ans son ainé, de retour des États-Unis, qui lui en met plein la vue en faisant du rap et en se vantant de ses expériences sexuelles. Et là ça dérape… Couché sur son lit à côté d’elle, il lui propose de lui « apprendre des trucs » et commence à la toucher. La caméra reste en plan large mais la voix off de l’adolescente dit sa sidération.

On a préalablement assisté à une scène très gênante où la mère épile les jambes de sa fille étendue sur la table de la salle à manger à côté du père et du fils qui jouent au go. L’adolescente s’enfuit tandis que la mère lui crie : « je n’ai pas fait le maillot ! » (terme utilisé pour l’épilation autour du sexe).

On sent le souci de la réalisatrice de décrire au plus près des comportements parentaux à la fois autoritaires et marqués par la soi-disant « libération sexuelle » : aucun verrou aux portes, tout le monde défile en même temps dans la salle de bains, on se baigne nu dans la piscine, mais le père impose des horaires stricts pour les repas, et on attend qu’il ait commencé à manger pour faire de même ; il manifeste le plus grand mépris pour sa femme qu’il a contrainte à cesser de travailler pour s’occuper du foyer, et les deux aînées, des jumelles, ont fui cette atmosphère oppressante. Pourtant le père manifeste de l’affection pour sa fille qui s’efforce de répondre à ses attentes, en particulier en devenant une bonne cavalière. En revanche le fils est dans une relation fusionnelle avec sa mère, ce qui lui vaut le plus grand mépris de son père.

Quand Cassandre sort de ce manoir aristocratique où veillent les ancêtres, à l’ombre des persiennes où elle subit le trauma de l’inceste, elle fait l’expérience d’un rapport au monde plus détendu et plus ouvert dans le centre hippique où elle passe ses journées, se lie d’amitié avec la jeune Laetitia (Laïka Blanc-Francard) et projette sur le moniteur (Guillaume Gouix) son désir d’une relation paternelle plus douce. Ce lieu permet d’imaginer une possible sortie de l’enfermement familial.

Eric Ruf et Zabou Breitman surjouent leur personnage parental toxique, leur donnant une dimension comique qui allège l’atmosphère pesante de ce huis-clos familial. Mais l’association entre oppression patriarcale et promiscuité sexuelle peut paraître invraisemblable. Quand l’adolescente dénonce devant ses parents et le moniteur l’inceste fraternel, sa mère l’engueule d’avoir étalé en public des « histoires de touche-pipi ». Le père lui-même dit avoir subi des agressions sexuelles enfant et ne pas en faire un drame.

La force du film est de transmettre en évitant le voyeurisme le traumatisme de l’inceste, les liens dans lesquels est prise l’adolescente vis-à-vis de son frère, qui la violente tout en lui manifestant de la tendresse.

La jeune actrice Billie Blain n’a pas l’âge du rôle (14 ans), mais son physique androgyne permet de croire à son personnage. Elle manifeste une rudesse et une âpreté qui donnent plus de valeur aux rares moments où on la voit sourire.

La réalisatrice ponctue l’histoire d’inserts du personnage féminin adulte manipulant une marionnette qui figure la distance qu’elle tente de prendre avec son expérience traumatique.
Il faut saluer cette représentation rare de l’inceste frère-sœur dont l’anthropologue Dorothée Dussy (autrice du livre de référence sur le sujet, Le Berceau des dominations), évalue qu’il concerne un quart des cas d’inceste.


générique


Polémiquons.

  • How interesting this is to me as I have written a stage play on this subject after interviewing women who had this experience as girls.

    I would love to see the film but how can I do that ? Its screening was in April and we are now in May.

    I shall be in France 12-19 May and would be delighted to have some means of seeing it.
    Julia Pascal

    www.juliapascal.org
    +447866250617

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